Giordano

« Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme »

 

GIORDANO, c’est la prise de parole et la trajectoire semée d’embûches d’un lanceur d’alerte du seizième siècle qui appelle de tout son être l’humanité à penser et à vivre le monde autrement.

L’histoire se vit, se déroule, se raconte dans le temps présent. Nous suivons cet homme depuis sa prime jeunesse jusqu’à 52 ans, âge qu’il avait atteint lors de son exécution. Giordano Bruno, jeune ou vieux, est un être atemporel, un génie universel, un dissident passible de la peine de mort pour avoir exprimé haut et fort ses idées anticonformistes.

Dans un monde aux prises avec des censures de tous ordres — religieuses, mais aussi communautaristes, politiques et idéologiques —, alors que l’on sait indispensable pour la survie de la planète la nécessité absolue d’une vision holistique du vivant et que l’on a conscience qu’une révolution est à faire de toute urgence dans notre façon d’être au monde, la parole et le parcours de Giordano Bruno apparaissent formidables de pertinence et d’actualité.

Une statue de bronze à son effigie trône depuis le 19ème siècle sur les lieux de son supplice, au Campo de Fiori à Rome.

Création le 1er novembre 2023 à L’Oriental, Vevey (Suisse)

Avec Cédric Dorier (Giordano de 14 à 38 ans)
et Denis Lavalou (Giordano de 38 à 52 ans)
Texte Denis Lavalou
Mise en scène David Gauchard
Collaboratrice artistique Laure Hirsig
Scénographie David Gauchard & Jonas Bühler
Musique & univers sonore Antoine Bédard
Viole de Gambe Susie Napper
Percussions Corinne René
Lumière Jonas Bühler
Costumes Amandine Rutschmann
Régie générale Émile Schaer
Communications, presse Sandrine Galtier Gauthey
Direction technique Mikaël Rochat
Technicien plateau Luca Manco
Accessoires feu Marcel Frei – Métal en folie
Photos Guillaume Perret
Direction de production Minuit Pile – Marion Houriet & Loïc Kuttruff

Coproduction internationale
Cie Les Célébrants (Suisse)www.lescelebrants.ch
Théâtre Complice (Canada)www.theatrecomplice.com
L’unijambiste (France)

 

Le texte de GIORDANO est publié aux Éditions BSN Press (Giuseppe Merrone, Lausanne)

Note d'intention - David Gauchard
J’ai eu la chance de croiser la route du comédien Denis Lavalou en 2009 grâce à l’invitation de Marcelle Dubois lors de la 10ème édition du Festival du Jamais Lu à Montréal.
D’année en année nous avons gardé contact et un lien d’amitié c’est construit assez naturellement.
J’ai découvert que Denis n’était pas qu’un excellent acteur mais qu’il était également auteur et dramaturge. 
J’ai d’ailleurs fait appel à lui en 2018 lors de ma création Le temps est la rivière où je m’en vais pêcher où il s’agissait de mettre en scène la pensée de Thoreau. 
Denis est un véritable chercheur. Un jour il me parle de Giordano Bruno, tente de me passionner pour son oeuvre, m’invite à Rome (où il s’était installé pas loin de 6 mois afin de mener son enquête) pour que je comprenne mieux encore la pertinence à faire entendre la philosophie de Giordano Bruno aujourd’hui. Faire résonance. 
Nous avons ensuite beaucoup discuté le texte et sa représentation en scène. 
J’ai proposé de partager le rôle en deux. 
Pour aller vite : Giordano le jeune et Giordano au crépuscule de sa vie. Il fallait trouver le comédien qui nous accompagnerait. Et c’est, comme une évidence, le metteur en scène et comédien Cédric Dorier (que Denis connais très bien pour avoir jouer de nombreuses fois dans sous sa direction) qui nous est apparu. 
Cédric sera le jeune Giordano.  
Cédric, installé en Suisse, a facilité la rencontre en organisant de lui-même une résidence au théâtre Oriental de Vevey, ce qui nous a permis de confirmer nos intuitions. 
Après beaucoup d’échanges, racontant chacun ses expériences, les singularités administratives dû à nos pays respectifs, tel Erasme, tel Giordano, nous faisons notre voyage d’étude entre la Suisse, la France et le Canada et nous démarchons d’un même pas, bien décidé à sortir de nos conforts de compagnies et à oser cette aventure d’une co-production tri-partite internationale pour que résonne la voix de Giodano Bruno à la croisée des chemins.
Prochaine étape de travail : Le théâtre de Saint Lô en Normandie où nous allons commencer à construire pas à pas notre spectacle.
J’ai opté pour une mise en scène franche, directe, face public, à l’os, à la manière des jongleurs italiens (raconter d’histoires) où les deux comédiens jouent et animent  une scénographie minimaliste inspiré de l’obsession de Bacon pour le Pape Vélasquez. 
Un décor capable de voyager qui nous permettra beaucoup de souplesse et d’adaptabilité, idéale et réaliste pour envisager une tournée internationale.
Revue de presse

Télérama / 15 juillet 2024 / Emmanuelle Bouchez

TTT
Un homme fait face à la mort à laquelle l’ont condamné ses pairs parce qu’il était un penseur libre. Nous sommes à Rome, le 17 février 1600, et Giordano Bruno (1548-1600), le moine dominicain devenu philosophe, s’adresse à nous avant que le bûcher de l’Inquisition ne l’asphyxie. Silhouette sèche et visage habité dans son sweat marine ajusté, Denis Lavalou (également auteur du texte) raconte cette fin de XVIᵉ siècle où l’intolérance religieuse a sévi malgré le renouveau de l’art et des découvertes scientifiques. Au fil de ce spectacle mis en scène par David Gauchard, cet ancien monde ravagé par le dogmatisme ressurgit à travers le destin de Giordano Bruno. À travers son histoire intime, intellectuelle et spirituelle, ici dépliée en profondeur, où tranche surtout l’ostracisme subi dans les universités, protestantes comme catholiques, d’Europe. À l’intérieur d’un cube de tubulures métalliques, ce lecteur du philosophe Érasme et du scientifique Nicolas Copernic (lesquels n’étaient pas en odeur de sainteté dans la papauté) semble parcourir le monde avec autant d’endurance que de clairvoyance. Il observe le lien des hommes avec la nature, déjouant avant l’heure l’humano-centrisme au profit d’une conception du « vivant » dans laquelle se retrouvent certains penseurs d’aujourd’hui. Le vieil acteur qui a laissé la place au plus jeune (Cédric Dorier) pour incarner la quête du pèlerin solitaire revient, à la fin, rendre compte de son martyre dans une dimension qui confine à la grâce. Celle du théâtre comme du mystère de la vie.

 

La Terrasse / 12 juillet 2024 / Agnès Santi

David Gauchard met en scène « Giordano » de Denis Lavalou : une partition théâtrale à l’écoute d’une pensée visionnaire, libre et actuelle
David Gauchard, Cédric Dorier et Denis Lavalou révèlent au présent du théâtre la pensée de Giordano Bruno (1548-1600), remarquablement libre, audacieuse et empirique. Le spectacle rend justice avec finesse et maîtrise à un penseur visionnaire, condamné au bûcher par l’inquisition.
« Mes livres, c’est mon corps, mon immortalité. » affirme Giordano Bruno, né en 1548 dans un village au pied du Vésuve, mort brûlé vif le 17 février 1600 par le Saint-Office pour ses thèses hérétiques, après avoir été emprisonné sept ans par l’inquisition romaine. Fabriqué ici et maintenant en s’appuyant sur le corpus d’écrits nourris par une phénoménale liberté de pensée, cette pièce de théâtre redonne à sa manière vigueur et visibilité à l’immortalité de son esprit, quoique Bruno demeure moins célèbre que Galilée ou Copernic. Témoignage à la première personne, l’adresse au public sobre et précise se joue au présent, célébrant la jouissance de la pensée et de l’observation empirique, l’aplomb de la vérité et de l’audace intellectuelle. Quelle révolution de reconnaître l’infinité de l’univers, de penser une éthique universelle, de célébrer et observer l’organisation du vivant… « La loi des lois, c’est la fluctuation, la relativité », énonce-t-il, visionnaire.
Au présent du théâtre, éloge de la liberté de pensée
Le récit retraverse la vie du moine dominicain devenu pérégrin parcourant l’Europe en proie aux guerres de religion, menacé par toutes les inquisitions – catholique évidemment, mais aussi calviniste, anglicane et luthérienne. Parfois le public se fait assemblée d’un amphithéâtre d’université, foule entourant le bûcher, membres du tribunal de l’inquisition… Giordano Bruno rencontre lors de scènes bienvenues le roi français Henri III, Elisabeth 1ère d’Angleterre et le jeune astrophysicien allemand Johannes Kepler. Sur un plateau nu dénué d’éléments historiques, structuré par les arêtes d’un cube, deux comédiens l’interprètent avec talent : l’un jeune, Cédric Dorier, l’autre plus âgé, Denis Lavalou, qui signe aussi le texte. La mise en scène maîtrisée de David Gauchard fait résonner les mots puissants au présent du théâtre, dans une actualité atemporelle qui transcende les contextes historiques. Contre l’obscurantisme, le fatalisme et les fanatismes, Giordano s’élève et ouvre les esprits.

 

La Terrasse / 1er juin 2024 / Catherine Robert

Cédric Dorier, Denis Lavalou et David Gauchard unissent leurs forces de création et de production pour rendre hommage à Giordano Bruno, arpenteur de l’infini et martyr de l’Inquisition catholique.

Fervent physicien, habile mathématicien, insolent théologien, métaphysicien original, maître en mnémotechnique, commentateur iconoclaste d’Aristote, apôtre de la vérité et pourfendeur des préjugés, Giordano Bruno mena une vie de pèlerin poétique et rationnel qui se termina au bûcher de l’Inquisition. Sans doute né et assurément mort trop tôt, le 17 février 1600, Giordano Bruno reste le symbole de la lutte imbécile et stérile du dogmatisme contre le développement, le risque et le progrès intellectuels. Parcourant l’Europe entière à la recherche d’asiles toujours plus incertains, Bruno étudia, enseigna, publia et élabora peu à peu une œuvre foisonnante où aucun domaine de la pensée n’est ignoré. « Propulsés par l’intérêt du personnage et de la matière », Cédric Dorier, Denis Lavalou et David Gauchard ont décidé de « répondre à l’universalisme de Bruno par une diffusion internationale ».

Une comète dans la nuit

Leur « stand up philosophique, poétique et ludique » rend hommage à cet homme qui croyait en l’infini, qui n’avait d’autre horizon que l’illimité et qui, pour avoir osé lever les yeux au ciel, fut condamné par ceux qui prétendaient en être les seuls gardiens. Pour rendre compte d’une existence éclatée et d’une pensée éclatante, le spectacle fait « le choix dynamique d’un double Giordano, un jeune, dans la première moitié du texte, et un plus âgé, pour le prologue et la seconde moitié ». Pas de quatrième mur, pas d’artifice historique, mais une adresse directe au public, qui devient, au fur et à mesure des scènes, foule devant le bûcher, étudiants face à l’érudit anticonformiste ou membre du Saint-Office. Cédric Dorier et Denis Lavalou interprètent Bruno, mais aussi Henri III, Elisabeth d’Angleterre et Kepler, dans une scénographie épurée pour une histoire qui « se vit, se déroule, se raconte dans le temps présent », puisque censure, fadaises irrationnelles, folie inquisitoriale et bêtise obscurantiste sont encore de notre temps.

 

24 heures / 3 novembre 2023 / Boris Senff

A l’Oriental Vevey – Un philosophe solaire brûle les planches
Se saisir de la figure de Giordano Bruno, frère Dominicain du XVI ème siècle, libre-penseur condamné au bûcher par la Saint-Office, pour lui donner sur scène une consistance non seulement biographique mais aussi philosophique, n’allait pas de soi.
Dans une mise en jeu de David Gauchard, Cédric Dorier et Denis Lavalou relèvent le défi avec superbe.
L’évocation d’un personnage historique inciterait aujourd’hui plutôt à une adaptation cinématographique. Mais après avoir vu la première de Giordano à l’Oriental de Vevey, il paraît difficile d’imaginer sur écran une aussi belle dynamique accordée au parcours historique et intellectuel d’un homme qui fut capable d’abattre les préjugés de toutes sortes, qu’il soient scientifiques, moraux ou théologiques.
Dans une scénographie épurée qui semblent refléter les idées effilées de Bruno – les arrêtes d’un cube pour suggérer aussi bien l’espace d’étude que la prison – , la vivacité des rencontres et des lieux est prise en charge par les comédiens qui alternent pour incarner le philosophe – Cédric Dorier pour la première partie de sa vie, Denis Lavalou pour la seconde.
Dès la première, les deux comédiens affichaient une belle maîtrise du spectacle et de texte, ce qui n’est pas rien quand il faut insuffler de l’énergie à des raisonnements où entrent aussi l’émotion et la poésie. Une réflexion qui ne manque pas de coeur et un très beau moment d’intensité théâtrale.

 

 

Horizon – Magazine culturel suisse du Consulat général de Suisse à Montréal / avril-mai-juin 2023

 

Cédric Dorier, Denis Lavalou et David Gauchard, respectivement de la compagnie Les Célébrants de Lausanne, du Théâtre Complice de Montréal et de la compagnie L’unijambiste à Limoges, se retrouvent à Montréal, en résidence, pour le montage de leur pièce Giordano Bruno, qu’ils présenteront le 22 juin 2023 à 18h30 à l’Institut italien de la culture (IIC) à Montréal. Nous les avons rencontrés afin qu’ils nous parlent de leur collaboration commune et de leur performance à venir. Mais tout d’abord un petit aperçu de qui sont ces artistes de la scène :

 

Notre compatriote Cédric Dorier a obtenu son diplôme du Conservatoire d’Art Dramatique de Lausanne en 2001. Il joue sous la direction de nombreux metteurs en scène suisses et internationaux. Parallèlement à son travail de comédien, il crée en 2005 la compagnie théâtrale Les Célébrants avec laquelle il aborde comme metteur en scène les rivages des classiques tels Shakespeare, Racine et Ionesco, comme des contemporains tels Kwahulé, Viripaev et Siméon. À travers ses choix, il s’attache à la poésie, à la puissance et l’intensité des mots et aux rythmes de la parole d’où se révèlent l’émotion et la complexité humaine. Passionné de musique, il met en scène les opéras La Petite Renarde rusée de Janácek, Orlando Paladino de Haydn et Pinocchio de Gloria Bruni.

 

Denis Lavalou est acteur, auteur et metteur en scène, il embrasse avec enthousiasme toutes les disciplines de la création théâtrale. Directeur artistique de la compagnie de production montréalaise Théâtre Complice, il présente depuis trente ans des textes et/ ou des auteurs méconnus de la dramaturgie internationale. Grand chercheur d’inédit, adepte d’une philosophie vivante et transmissible, il n’hésite pas à s’emparer de textes non théâtraux et à écrire ses propres partitions théâtrales issues de divers matériaux textuels pour aborder les thématiques brûlantes qui le préoccupent. Il a aussi enseigné dans les principales institutions théâtrales au Québec.

 

David Gauchard est metteur en scène, scénographe et directeur de compagnie. Depuis plus de 20 ans, il cumule les présences régulières dans de nombreux festivals. Son parcours comprend également des expériences notables à l’international, des pratiques pluridisciplinaires diverses dans le domaine du théâtre, de l’opéra, de la danse, du conte, du cirque, des musiques actuelles, entre autres. Son travail a la particularité de mélanger les

influences artistiques et les réseaux. Auteurs, traducteurs, comédiens, musiciens, chanteurs lyriques, artistes, graphistes et photographes se mêlent et collaborent dans ses spectacles, toujours avec le désir de faire sens par rapport au texte, perpétuellement en quête d’un théâtre populaire, poétique, exigeant et engagé : un théâtre de la réconciliation.

 

QUEL A ÉTÉ LE POINT DE DÉPART DE VOTRE PROJET ?

 

DL : C’est un titre qui m’a intrigué sur les rayons d’une librairie montréalaise : L’homme incendié de l’auteur français d’origine italienne Serge Filippini, lequel, à travers cette magnifique biographie romancée de Giordano Bruno parue en 1990, m’a présenté le premier au philosophe napolitain. Suite à la lecture de ce roman passionnant, j’ai voulu en savoir davantage sur cet homme, chaînon manquant largement méconnu — pour ne pas dire occulté — entre Copernic et Galilée. Commencent alors trois années de recherches sur les traces de ce penseur exceptionnel aux idées révolutionnaires. S’en est suivi le désir naturel d’écrire puis d’interpréter « mon » Giordano Bruno en m’affranchissant du roman qui me l’a fait connaître.

 

C’EST UNE COLLABORATION ENTRE TROIS PAYS, COMMENT L’ENVIE DE MONTER UNE PIÈCE ENSEMBLE EST-ELLE NÉE, ET S’EST-ELLE DÉROULÉE ?

 

DL : Ayant bénéficié de janvier à juin 2019 du studio du Québec à Rome offert par le Conseil des arts et des lettres du Québec, j’ai éprouvé très rapidement le besoin de faire partager mon enthousiasme à deux compagnons de création, le metteur en scène français David Gauchard et le comédien suisse Cédric Dorier.

DG : Après avoir abordé avec Denis, à titre de dramaturge cette fois, le travail du philosophe américain Henry David Thoreau pour la création de mon spectacle Le temps est la rivière où je m’en vais pêcher, j’étais intrigué par cette nouvelle passion du comédien montréalais avec qui j’avais depuis longtemps le désir de collaborer à nouveau. Son enthousiasme très contagieux a fait le reste !

CD : En 2007, nous avons partagé la scène avec Denis dans le très beau duo fraternel Moitié-Moitié de Daniel Keene. Depuis, nous alternons les postes à la mise en scène et au jeu, mais nous n’avons jamais rejoué ensemble. L’occasion était trop belle.

 

EN QUOI CE PROJET EST-IL ORIGINAL ?

DL : Mon objectif au théâtre complice a toujours été de faire découvrir des auteurs méconnus et/ou des textes peu connus d’auteurs connus. Faire connaître la trajectoire du libre penseur napolitain dont le grand public ignore à peu près tout et qui a payé de sa vie en osant penser librement l’infini entre donc en plein dans l’ADN de la compagnie.

CD : Il y a quelque chose de lumineux et d’extrêmement contemporain qui me touche beaucoup dans le désir du philosophe d’ouvrir le chemin d’une spiritualité non dogmatique et respectueuse de toute diversité.

DG : Collaborer avec des artistes qui viennent d’ailleurs fait aussi partie de ma trajectoire et de celle de ma compagnie. C’est toujours stimulant de se confronter avec des modes de fonctionnement différents. Et puis l’idée de présenter aujourd’hui l’itinéraire d’un révolutionnaire qui a traversé le temps sans faire de bruit, pour se trouver à ce point en phase avec le XXIe siècle m’anime vraiment.

 

VOUS LE MONTREREZ AU IIC – MONTRÉAL, QUEL EST LE BUT DE CETTE REPRÉSENTATION ?

DG : Considérant la complexité et le coût important de toute coproduction internationale impliquant des pays francophones des deux côtés de l’Atlantique, nous avons privilégié le travail par étape. Après deux laboratoires d’une semaine effectués en Suisse en 2020 et 2022, puis l’étape d’une première lecture publique proposée à la médiathèque de Saint-Lô en Normandie en janvier 2023, signalons que celle qui sera présentée à IIC – Montréal constitue l’avant-dernière étape précédant la création. D’ailleurs, nous remercions son directeur, Sandro Cappelli, de nous accueillir en résidence et pour cette lecture-spectacle, étape importante sur notre chemin de création.

DL : Cette plongée par paliers s’avère pour l’auteur que je suis très utile dans l’établissement du texte définitif. Et pour les interprètes, cela permet de nous immerger progressivement dans la pensée et les pas du personnage en sorte que l’ancrage soit plus naturel lors de la création du spectacle.

 

COMMENT ALLEZ-VOUS TRAITER CE QUI EN DÉCOULE ?

DL : C’est toujours avec grand intérêt que nous recueillons les commentaires du public. Considérant que nous sommes encore en cours de création, nous verrons de quelle manière ces commentaires peuvent faire avancer le spectacle, tant pour le texte, le jeu et la musique.

DG : Denis est devenu un véritable spécialiste de Giordano Bruno et de la période où il a vécu, traversant toute l’Europe pour tenter de diffuser ses idées par l’enseignement et le dialogue avec les dirigeants et les universitaires de chaque pays. Nous considérons presque cette rencontre avec le public comme une deuxième partie du spectacle, tant d’informations captivantes n’ayant pas pu être intégrées au texte.

 

QUAND LE PUBLIC POURRA-T-IL ENSUITE VOIR LA VERSION FINALE ?

CD : C’est le public suisse qui sera le premier à recevoir le spectacle, à l’Oriental-Vevey à partir du 1er novembre 2023. Chacun sur notre territoire respectif, nous travaillons activement à trouver d’autres lieux de diffusion tant au Québec et au Canada qu’en France et en Suisse.

DL : Pour ce qui est du Québec et du Canada, nous visons la saison 24-25.

 

QUE SOUHAITEZ-VOUS À GIORDANO BRUNO ?

Que le spectacle voyage à son tour loin dans l’espace et le temps et que la pensée du philosophe et son élan réformateur soient mieux connus, mieux perçus, mieux écoutés et plus suivis !

Création Oriental Vevey - Jour de première
Création Oriental Vevey
du premier au 12 novembre 2023
Jour de première
Propulsés par l’étonnante modernité du personnage et de sa pensée, impressionnés par son incroyable périple dans l’Europe en pleines guerres de religions, trois artistes francophones décident, dès 2019, d’unir leurs forces de création et de production pour mener à bien ce spectacle.
Dans un monde aux prises avec des censures et des guerres de tous ordres — religieuses, mais aussi communautaristes, politiques et idéo-logiques —, alors que l’on sait indispensable pour la survie de la planète la nécessité absolue d’une vision holistique du vivant et que l’on a conscience qu’une révolution est à faire de toute urgence dans notre façon d’être au monde, la parole et le parcours de Giordano Bruno apparaissent formidables de pertinence et d’actualité.
« J’ai eu la chance de croiser la route du comédien Denis Lavalou en 2009 grâce à l’invitation de Marcelle Dubois lors de la 10ème édition du Festival du Jamais Lu à Montréal. D’année en année nous avons gardé contact et un lien d’amitié c’est construit assez naturellement. J’ai découvert que Denis n’était pas qu’un excellent acteur mais qu’il était également auteur et dramaturge.
J’ai d’ailleurs fait appel à lui en 2018 lors de ma création Le temps est la rivière où je m’en vais pêcher où il s’agissait de mettre en scène la pensée de Thoreau.
Denis est un véritable chercheur. Un jour il me parle de Giordano Bruno, tente de me passionner pour son oeuvre, m’invite à Rome (où il s’était installé pas loin de 6 mois afin de mener son enquête) pour que je comprenne mieux encore la pertinence à faire entendre la philosophie de Giordano Bruno aujourd’hui.
Faire résonance. J’étais embarqué !
Nous avons ensuite beaucoup discuté le texte et sa représentation en scène, décidant de partager le rôle en deux. Pour aller vite : Giordano le jeune et Giordano au crépuscule de sa vie.
Il fallait alors trouver le comédien qui nous accompagnerait. Et c’est, comme une évidence, le metteur en scène et comédien Cédric Dorier (que Denis connais très bien pour avoir jouer de nombreuses fois dans sous sa direction) qui nous est apparu. Cédric sera le jeune Giordano.
Cédric, installé en Suisse, a facilité la rencontre en organisant une résidence au théâtre Oriental de Vevey, ce qui nous a permis de confirmer nos intuitions.
Après beaucoup d’échanges, racontant chacun ses expériences, les singularités administratives dû à nos pays respectifs, tel Erasme, tel Giordano, nous avons fait notre voyage d’étude entre la Suisse, la France et le Canada et nous avons démarché d’un même pas, bien décidé à sortir de nos conforts de compagnies et à oser cette aventure d’une co-production tri-partite internationale pour que résonne la voix de Giodano Bruno à la croisée des chemins ». DG
L’histoire se vit dans le temps présent. Nous suivons cet homme depuis sa prime jeunesse jusqu’à 52 ans, âge qu’il avait atteint lors de son exécution. Formé chez les Dominicains de Naples, génie universel méconnu, chaînon ignoré entre Copernic et Galilée, envoyé au bûcher par l’inquisition romaine pour avoir osé remettre en question les fondamentaux du dogme catholique, mais plus généralement la vision archaïque du monde vu par ses contemporains, Giordano Bruno, jeune et vieux, se raconte. C’est le témoignage sincère, passionné et sans filtre d’un dissident passible de la peine de mort pour avoir exprimé haut et fort sa vision révolutionnaire de l’univers et de la place de l’être humain au sein de l’infini.
« Imiter les bouffons du Moyen Âge, en flagellant l’autorité et en faisant respecter la dignité des opprimés ». Dario Fo
Équilibriste s’il en est, nous avons souhaité établir une filiation entre le travail de ce « Réveilleur », ainsi qu’il se nomme lui-même, et l’art des jongleurs, des « raconteurs d’histoires italiens », ceux de la Renaissance et ceux d’aujourd’hui. Inspirés par son esthétique scénique dépouillée inversement proportionnelle à la faconde et l’inventivité de ses interprètes, c’est à Dario Fo que nous avons pensé dans notre désir de présenter le personnage dans toute sa fantaisie et sa présence charnelle, et pas seulement dans ses idées et ses exigences réformistes.
Écrin idéal pour découvrir la trajectoire de vie infinie de ce grand défenseur de l’héliocentrisme, David Gauchard a inscrit le conteur dans les arêtes d’un cube inspiré de l’obsession du peintre anglais Francis Bacon pour le Pape Vélasquez.
Symbole du point de rencontre entre l’Homme et le Principe supérieur, cet espace géométrique très dessiné, complété par une scénographie de lumière signée Jonas Jonas Bühler, constitue à la fois la tribune, le petit auditorium, le castelet du conteur, mais aussi la prison où il est demeuré si longtemps enfermé. Faisant vivre le dedans comme le dehors du cube, portés par la musique du compositeur québécois Antoine Bédard (Montag), aux compositions électroniques elles aussi minimalistes et atmosphériques, colorées par la viole de gambe, des percussions et les différents sons de cloches qui sonnaient à feux et à sang partout en Europe à cette époque, nous suivons le personnage dans toutes ses pérégrinations, de Naples à Rome, en passant par la Suisse, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Bohème et Venise d’une façon vivante et, espérons-le, haletante.
« J’ai découvert l’identité de toutes les religions, et donc je n’en remets aucune en doute, car la divinité m’apparaît en toute chose, du grain de sable à l’étoile la plus éloignée, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. » Giordano Bruno
Nous souhaitons, par ce spectacle, rendre justice à un grand oublié de l’histoire des sciences et de la pensée, partageant son rêve de réconcilier tous les humains entre eux, en les faisant converger vers une même vision naturelle, holistique et sensitive du Plus-grand-que-soi, parce qu’ « imaginer le monde, c’est participer à sa perpétuelle recréation. »
« Toutes les âmes font partie de l’âme de l’Univers, et tous les êtres à la fin sont Uns. […] Le but de la philosophie est la découverte de cette unité. »
Giordano Bruno né à Nola en 1548 et meurt brûlé par l’inquisition romaine en 1600 au Campo de’ Fiori à Rome.
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Outre tous nos organismes subventionneurs, la production remercie :
Nicolas, Éloïse et Anthony pour les laboratoires de création offerts par l’Oriental-Vevey (Suisse) en 2020 et 2022, et pour la création du spectacle ;
Laurent Amblard, pour la résidence de janvier 2023 à Saint Lô ;
Giuseppe Merrone et Michel Sauser, complices pour la publication du texte ;
Sandro Cappelli, directeur du centre culturel italien de Montréal, pour la résidence de juin 2023 ;
Sara Bagdasarianz, attachée culturelle au consulat Suisse à Montréal ;
Veronica Melis pour la traduction de certains passages ;
Christian Robert-Charrue, comédien ;
Diane Isabelle (Conseil des arts et des lettres du Québec ;
Johanne Larivière Tieri (Délégation du Québec à Rome) ;
Cedric Blatrie et Marie Humbert pour leur chaleureux accueil et pour avoir été les premiers auditeurs cobayes de la pièce.