Cédric Dorier, Denis Lavalou et David Gauchard, respectivement de la compagnie Les Célébrants de Lausanne, du Théâtre Complice de Montréal et de la compagnie L’unijambiste à Limoges, se retrouvent à Montréal, en résidence, pour le montage de leur pièce Giordano Bruno, qu’ils présenteront le 22 juin 2023 à 18h30 à l’Institut italien de la culture (IIC) à Montréal. Nous les avons rencontrés afin qu’ils nous parlent de leur collaboration commune et de leur performance à venir. Mais tout d’abord un petit aperçu de qui sont ces artistes de la scène :
Notre compatriote Cédric Dorier a obtenu son diplôme du Conservatoire d’Art Dramatique de Lausanne en 2001. Il joue sous la direction de nombreux metteurs en scène suisses et internationaux. Parallèlement à son travail de comédien, il crée en 2005 la compagnie théâtrale Les Célébrants avec laquelle il aborde comme metteur en scène les rivages des classiques tels Shakespeare, Racine et Ionesco, comme des contemporains tels Kwahulé, Viripaev et Siméon. À travers ses choix, il s’attache à la poésie, à la puissance et l’intensité des mots et aux rythmes de la parole d’où se révèlent l’émotion et la complexité humaine. Passionné de musique, il met en scène les opéras La Petite Renarde rusée de Janácek, Orlando Paladino de Haydn et Pinocchio de Gloria Bruni.
Denis Lavalou est acteur, auteur et metteur en scène, il embrasse avec enthousiasme toutes les disciplines de la création théâtrale. Directeur artistique de la compagnie de production montréalaise Théâtre Complice, il présente depuis trente ans des textes et/ ou des auteurs méconnus de la dramaturgie internationale. Grand chercheur d’inédit, adepte d’une philosophie vivante et transmissible, il n’hésite pas à s’emparer de textes non théâtraux et à écrire ses propres partitions théâtrales issues de divers matériaux textuels pour aborder les thématiques brûlantes qui le préoccupent. Il a aussi enseigné dans les principales institutions théâtrales au Québec.
David Gauchard est metteur en scène, scénographe et directeur de compagnie. Depuis plus de 20 ans, il cumule les présences régulières dans de nombreux festivals. Son parcours comprend également des expériences notables à l’international, des pratiques pluridisciplinaires diverses dans le domaine du théâtre, de l’opéra, de la danse, du conte, du cirque, des musiques actuelles, entre autres. Son travail a la particularité de mélanger les
influences artistiques et les réseaux. Auteurs, traducteurs, comédiens, musiciens, chanteurs lyriques, artistes, graphistes et photographes se mêlent et collaborent dans ses spectacles, toujours avec le désir de faire sens par rapport au texte, perpétuellement en quête d’un théâtre populaire, poétique, exigeant et engagé : un théâtre de la réconciliation.
QUEL A ÉTÉ LE POINT DE DÉPART DE VOTRE PROJET ?
DL : C’est un titre qui m’a intrigué sur les rayons d’une librairie montréalaise : L’homme incendié de l’auteur français d’origine italienne Serge Filippini, lequel, à travers cette magnifique biographie romancée de Giordano Bruno parue en 1990, m’a présenté le premier au philosophe napolitain. Suite à la lecture de ce roman passionnant, j’ai voulu en savoir davantage sur cet homme, chaînon manquant largement méconnu — pour ne pas dire occulté — entre Copernic et Galilée. Commencent alors trois années de recherches sur les traces de ce penseur exceptionnel aux idées révolutionnaires. S’en est suivi le désir naturel d’écrire puis d’interpréter « mon » Giordano Bruno en m’affranchissant du roman qui me l’a fait connaître.
C’EST UNE COLLABORATION ENTRE TROIS PAYS, COMMENT L’ENVIE DE MONTER UNE PIÈCE ENSEMBLE EST-ELLE NÉE, ET S’EST-ELLE DÉROULÉE ?
DL : Ayant bénéficié de janvier à juin 2019 du studio du Québec à Rome offert par le Conseil des arts et des lettres du Québec, j’ai éprouvé très rapidement le besoin de faire partager mon enthousiasme à deux compagnons de création, le metteur en scène français David Gauchard et le comédien suisse Cédric Dorier.
DG : Après avoir abordé avec Denis, à titre de dramaturge cette fois, le travail du philosophe américain Henry David Thoreau pour la création de mon spectacle Le temps est la rivière où je m’en vais pêcher, j’étais intrigué par cette nouvelle passion du comédien montréalais avec qui j’avais depuis longtemps le désir de collaborer à nouveau. Son enthousiasme très contagieux a fait le reste !
CD : En 2007, nous avons partagé la scène avec Denis dans le très beau duo fraternel Moitié-Moitié de Daniel Keene. Depuis, nous alternons les postes à la mise en scène et au jeu, mais nous n’avons jamais rejoué ensemble. L’occasion était trop belle.
EN QUOI CE PROJET EST-IL ORIGINAL ?
DL : Mon objectif au théâtre complice a toujours été de faire découvrir des auteurs méconnus et/ou des textes peu connus d’auteurs connus. Faire connaître la trajectoire du libre penseur napolitain dont le grand public ignore à peu près tout et qui a payé de sa vie en osant penser librement l’infini entre donc en plein dans l’ADN de la compagnie.
CD : Il y a quelque chose de lumineux et d’extrêmement contemporain qui me touche beaucoup dans le désir du philosophe d’ouvrir le chemin d’une spiritualité non dogmatique et respectueuse de toute diversité.
DG : Collaborer avec des artistes qui viennent d’ailleurs fait aussi partie de ma trajectoire et de celle de ma compagnie. C’est toujours stimulant de se confronter avec des modes de fonctionnement différents. Et puis l’idée de présenter aujourd’hui l’itinéraire d’un révolutionnaire qui a traversé le temps sans faire de bruit, pour se trouver à ce point en phase avec le XXIe siècle m’anime vraiment.
VOUS LE MONTREREZ AU IIC – MONTRÉAL, QUEL EST LE BUT DE CETTE REPRÉSENTATION ?
DG : Considérant la complexité et le coût important de toute coproduction internationale impliquant des pays francophones des deux côtés de l’Atlantique, nous avons privilégié le travail par étape. Après deux laboratoires d’une semaine effectués en Suisse en 2020 et 2022, puis l’étape d’une première lecture publique proposée à la médiathèque de Saint-Lô en Normandie en janvier 2023, signalons que celle qui sera présentée à IIC – Montréal constitue l’avant-dernière étape précédant la création. D’ailleurs, nous remercions son directeur, Sandro Cappelli, de nous accueillir en résidence et pour cette lecture-spectacle, étape importante sur notre chemin de création.
DL : Cette plongée par paliers s’avère pour l’auteur que je suis très utile dans l’établissement du texte définitif. Et pour les interprètes, cela permet de nous immerger progressivement dans la pensée et les pas du personnage en sorte que l’ancrage soit plus naturel lors de la création du spectacle.
COMMENT ALLEZ-VOUS TRAITER CE QUI EN DÉCOULE ?
DL : C’est toujours avec grand intérêt que nous recueillons les commentaires du public. Considérant que nous sommes encore en cours de création, nous verrons de quelle manière ces commentaires peuvent faire avancer le spectacle, tant pour le texte, le jeu et la musique.
DG : Denis est devenu un véritable spécialiste de Giordano Bruno et de la période où il a vécu, traversant toute l’Europe pour tenter de diffuser ses idées par l’enseignement et le dialogue avec les dirigeants et les universitaires de chaque pays. Nous considérons presque cette rencontre avec le public comme une deuxième partie du spectacle, tant d’informations captivantes n’ayant pas pu être intégrées au texte.
QUAND LE PUBLIC POURRA-T-IL ENSUITE VOIR LA VERSION FINALE ?
CD : C’est le public suisse qui sera le premier à recevoir le spectacle, à l’Oriental-Vevey à partir du 1er novembre 2023. Chacun sur notre territoire respectif, nous travaillons activement à trouver d’autres lieux de diffusion tant au Québec et au Canada qu’en France et en Suisse.
DL : Pour ce qui est du Québec et du Canada, nous visons la saison 24-25.
QUE SOUHAITEZ-VOUS À GIORDANO BRUNO ?
Que le spectacle voyage à son tour loin dans l’espace et le temps et que la pensée du philosophe et son élan réformateur soient mieux connus, mieux perçus, mieux écoutés et plus suivis !