Trois années et une soixantaine de représentations plus tard (en France et à l’étranger), ce spectacle hybride a profité de nombreuses mutations et la musique s’en est trouvée largement changée. En tous cas suffisamment pour présenter un album qui inclut 12 morceaux totalement inédits.
Si Robert le Magnifique apporte ici sa touche hip hop-électro, l’oeuvre est néanmoins le produit d’un nombre de rencontres aussi incroyables qu’improbables, puisqu’on y croise notamment :
- le Quatuor Debussy, « meilleure formation de musique de chambre » lors des Victoires de la Musique Classique 1996, spécialiste de Chostakovitch et sorte d’alter-ego français du Kronos Quartet
- François Jeanneau, l’un des pionniers du free jazz en France. Né en 1935, il fit ses armes au début des années 1960 au Club Saint Germain, créa en 1978 le big band Pandémonium avec Aldo Romano, puis dirigea l’Orchestre National de Jazz dès sa création en 1986
- Ezra, le jeune beatboxeur qui monte. En parallèle de sa découverte aux dernières Trans Musicales, Ezra multiplie les collaborations trans-genres et milite ainsi à sa façon pour prouver que le beatboxing n’est pas un « accessoire fantaisiste » réservé au hip hop
- Olivier Mellano, l’autre « homme en noir ». Auteur et compositeur pour ses projets personnels, qu’ils soient rock (avec son groupe Mobiil) ou classiques (avec La chair des anges, sorti en 2006 chez Naïve Classique), Olivier Mellano est aussi un guitariste insaisissable et omniprésent (depuis 15 ans, on l’a vu aux côtés de Yann Tiersen, Miossec, Dominique A, Laetitia Shériff, François Breut, Sloy, Bed, Polar, Bruno Green, Santa Cruz, Psykick Lyrikah…)
- Arm, le rappeur et fondateur du groupe hip hop Psykick Lyrikah qui, outre son flow, apporte au projet Hamlet son écriture poétique (ou plutôt lyrique) qui s’intègre idéalement dans cette relecture de l’oeuvre magistrale de Shakespeare. D’ailleurs, André Markowicz (l’auteur de cette traduction de Hamlet) a reconnu l’incroyable talent du jeune rappeur dès qu’il a lu ses textes.
Une liste non-exhaustive à laquelle s’ajoutent des comédiens aux talents variés, notamment Marie Cayrol (avec son chant lyrique et son alto) ainsi que Haris Resic qui clôt le disque par un chant traditionnel serbe d’une intensité émotionnelle littéralement bouleversante
Si de plus en plus de disques nous sont présentés aujourd’hui comme « inclassables », il faut être honnête et avouer que la cause en est souvent le manque de cohérence et d’homogénéité. Sur Hamlet thème et variations, quelque chose de magique semble s’être passé : parti d’une vision un peu folle et d’une direction artistique ambitieuse, le disque a réussi l’alchimie inattendue entre les nombreux éléments cités plus haut et s’affirme, hors de tous formats, comme une oeuvre sans véritable équivalent.