sceneweb.fr / Stéphane Capron
Les Résidents : un hymne à l’amour pour nos vieux. Ce spectacle documentaire conçu par Emmanuelle Hiron ne laisse pas indifférent. Il ose affronter une dure réalité : l’augmentation de l’espérance de vie fait mécaniquement augmenter le nombre de patients atteints de maladies neurologiques et de démence dans les maisons de retraite. Les Ehpad sont devenus des mouroirs. Un spectacle remuant et parfois indisposant. Regarder en face une réalité que l’on n’ose plus affronter. C’est le mérite de ce spectacle qui se compose d’un dialogue croisé entre des séquences filmées dans l’Ehpad Les champs bleus de Vezin le Coquet (35) où l’on suit le qutidien des résidents et un monologue joué par Emmanuelle Hiron qui se fonde sur des entretiens réalisés avec la gériatre Laure Jouatel. […] On rit, on sourit, on pleure en regardant ce spectacle.
I/O gazette / Rick Panegy & Audrey Santacroce
Emmanuelle Hiron a mis en place une pièce documentaire, qui alerte, révèle, prévient sur la vieillesse et les maisons de repos. Sans détour, sans poésie, sans misérabilisme ou sentimentalisme, la comédienne incarne les propos du médecin qu’elle a recueillis. […] Brisant l’un des tabous les plus pregnants – la vieillesse, la fin de vie -, Emmanuelle Hiron livre un exposé brut, préférant le discours de vérité à la théâtralisation du propos : entre témoignage et conférence, Les Résidents s’adresse à nous avec la force de la sincérité et l’autorité de la justesse.
Le seul en scène d’Emmanuelle Hiron n’est pas facile mais nécessaire. Pas facile non pas parce qu’il est aride (bien au contraire, il ne l’est pas), mais parce qu’il nous met face à ce que nous refusons tous de voir : la déchéance du corps, la vieillesse de nos proches comme notre propre vieillesse. […] Emmanuelle Hiron ne répond pas aux questions qu’elle pose, mais elle donne des pistes de réflexion. […] Apprendre à accepter la mort comme faisant partie intégrante de la vie, voilà tout un programme. L’humanité est rendue à ces vieux, nos vieux, si touchants dans les images […]. Humanité c’est le mot : Les résidents est une pièce profondément humaine à voir avec un mouchoir à portée de main.
Le Populaire / Muriel Mingau
Les Résidents est une forme théâtrale tout en finesse et sensibilité. Ce monologue (…) porte sur la vieillesse. Ce sujet dérange. On l’évite. C’est le constat posé d’emblée sur la pièce Alors, sans jugement, l’une des qualités ici, cette oeuvre entreprend de libérer une parole et, ce faisant, un tabou. Elle interroge notre façon de considérer la vieillesse, ou plutôt de ne pas la considérer. Or, elle nous concerne tous. La pièce pose ainsi des questions cruciales sur la place faite par la société aux vieilles personnes, sur la qualité de leur vie, leur bonheur possible, le respect, la dignité, la mort, l’accompagnement médical, mais surtout humain. La pièce sait engager notre responsabilité , en amenant une fine émotion. (…) Le ton intimiste et chaleureux de la pièce aide le spectateur à se libérer de ses peurs et de ses réticences. Il peut enfin considérer la vieillesse.
Le Télégramme / Eliane Faucon-Dumont
Entre les images, Emmanuelle Hiron parle du quotidien de ceux qui, arrivés au bout de leur vie, ont perdu la mémoire. Elle philosophe et exprime son désir de les voir à nouveau dans la vie. Pour elle, l’extrême vieillesse est aujourd’hui trop cachée. (…) Elle fait part des interrogations du personnel médical, des familles. Vivre longtemps, mais dans quel état et pourquoi ? Puis elle pose à nouveau la question du droit à la vie. (…) Tout le mérite de ce spectacle est de mettre au grand jour des « problèmes » dont on parle peu ou alors seulement lorsque l’on est, à quelque degré, concerné.
La Terrasse / Eric Demey
Si, suivant la pensée de Pascal, on peut nommer divertissement tout ce qui fait diversion, tout ce qui nous détourne de l’idée de la mort et de notre finitude, alors le spectacle d’Emmanuelle Hiron ne fait définitivement pas partie de cette catégorie. En effet, Les Résidents nous emmène vers le caché, l’inenvisageable, ce face à quoi on détourne systématiquement le regard dans nos sociétés passionnées de jeunisme : la vieillesse et la mort. L’idée de ce spectacle est née dans l’esprit d’Emmanuelle Hiron tandis qu’elle suivait au quotidien, dans une visée documentaire, le travail d’une amie d’enfance gériatre dans un EHPAD où elle s’occupe de personnes en état de démence, vocable auquel on substitue souvent celui d’Alzheimer. Femme de théâtre, Emmanuelle Hiron décide de mêler les images qu’elle avait tournées à un monologue de cette amie gériatre – qu’elle incarne elle-même – et qui raconte son vécu tout en l’analysant. Une forme de théâtre documentaire dont les grincheux pourront dire que ce n’est pas du théâtre parce qu’il collerait de trop près à la réalité.
La mort ne peut se regarder en face
Pourtant, ce spectacle constitue bien une proposition inédite. « Comment être heureux quand on est vieux ? » interroge un premier panneau, poursuivant : « une performance à laquelle notre civilisation ne nous prépare pas ». Le ton est donné, le spectacle s’empare sas ménagement du sort qu’on réserve à nos anciens dans nos sociétés, de ce qu’il dit de nous et de notre rapport à la mort, et bien entendu, à la vie. Exit la douleur, la vieillesse, la souffrance. On referme le capot sur la mort. On ne veut pas voir comment l’Homme s’enlaidit, s’affaiblit, se dégrade. Notre décrépitude à venir. Et l’on dessine ainsi certaines limites à notre humanité. Deux séances filmées et deux séances théâtrales alternent et nous conduisent donc dans ces endroits cachés du grand jour : dans les couloirs de l’EHPAD, à l’hôpital avec Mado qui doit se faire couper l’orteil, ou encore dans le récit de la toilette mortuaire qu’effectue le « personnage » de la gériatre sur les pensionnaires décédés. Tout cela n’est pas gai, bien évidemment, mais Emmanuelle Hiron ne tire jamais sur le pathos. Sans incarner, elle livre à la première personne l’expérience de son personnage gériatre « à mi-chemin entre la médecine et la maladie de l’âme » sous la forme du témoignage. Si comme le soleil, la mort ne peut se regarder en face, au moins les Résidents nous ouvre les yeux sur l’exclusion que notre société pratique au quotidien. « Tout ce qui vit doit mourir, emporté par la nature dans l’éternité », conclut le spectacle avec cette citation d’Hamlet comme pour souligner qu’effectivement, oui, on est bien là au cœur du théâtre.
Pour elle, l’extrême vieillesse est aujourd’hui trop cachée. (…) Elle fait part des interrogations du personnel médical, des familles. Vivre longtemps, mais dans quel état et pourquoi ? Puis elle pose à nouveau la question du droit à la vie. (…) Tout le mérite de ce spectacle est de mettre au grand jour des « problèmes » dont on parle peu ou alors seulement lorsque l’on est, à quelque degré, concerné.
La Provence / Patrick Merle
Laure, chronique d’une sainte
Entre rire et larmes, pincements au coeur et immersion personnelle, tels étaient les spectateurs à l’issue de la représentation, hier en fin d’après midi au Théâtre de l’Olivier, des Résidents. La couleur avait été donnée en amont, en toute sincérité : un spectacle documentaire parlant de l’accompagnement des personnes âgées en fin de vie, cela remplit rarement une salle, mais celles et ceux qui ont eu une forme de courage, en venant passer une heure en compagnie d’Emmanuelle Hiron n’auront pas regretté ce moment poignant. On sent la comédienne totalement investie dans ce personnage tout sauf fictif, puisqu’il s’agit d’une amie d’enfance Laure Jouatel. Une gériatre travaillant dans un Ehpad, dont la fonction, la mission, en ce qui la concerne, est d’être au plus près de ces hommes et surtout femmes, octogénaires, voire plus, dans les derniers instants d’une vie forcément bien remplie. C’est une sainte que révèle l’actrice, faisant siennes les paroles confiées en toute amicale confiance.
L’évocation crue, nue, sans artifices, de son métier, de son credo, alterne avec des images directement filmées là où elle exerce son métier. Des courts-métrages dont les actrices sont ces résidentes, forcément attachantes, dans leur regard embrumé, leurs gestes lourds et leur mémoire vacillante. Emmanuelle Hiron est dans une telle maîtrise de son sujet, qu’on a qu’une envie en sortant du théâtre : faire la connaissance de Laure Jouatel, la serrer dans ses bras et lui dire juste merci. Merci de ce que vous êtes, merci de ce que vous faites.
Zibeline / Dominique Marçon
Regarder la réalité en face
Durant près de 2 ans, la comédienne Emmanuelle Hiron a filmé la vie dans un Ehpad, celle des résidents et des soignants, celui où travaille une de ses amies d’enfance, la gériatre Laure Jouable. Une passionnée qui « défend la vie là où l’on penserait qu’il n’y a que la mort ». Du documentaire au théâtre le pas fut fait, tant il paraissait important à Emmanuelle Hiron d’aborder sur scène la question de la vieillesse, de la dépendance, de la déchéance, de la fin de vie en institution. Son monologue, qui retranscrit ses nombreuses discussions avec son amie, n’est ni une conférence, ni un état des lieux. C’est la vision éclairée d’une femme médecin, qui devient personnage de théâtre par la grâce du jeu de la comédienne. Derrière elle, sur un écran, les Ré »bidents, ces femmes (plus nombreuses) et hommes filmés sans commentaires, délicatement révélés par des images respectueuses qui disent leur quotidien. Entre les projections, le texte, direct, cru, infiniment humain, se pose ailleurs, ne commente pas mais nous percute pour révéler des questionnements auxquels notre société – basée sur le culte de la jeunesse et de la performance – ne nous prépare pas, nous confronte à nos peurs, notre gêne, notre rapport à la mort et donc à la vie. A la qualité de vie plus précisément. Comment la prendre en compte quand elle devient synonyme de privations de liberté, de mouvements, de mémoire ? Comment l’améliorer quand il n’y a pas ou peu de souffrances physiques ou morales, mais la vie qui s’éteint doucement ? Appréhender la mort sans en faire « un problème médical » mais en respectant la vie, faire en sorte que la dignité soit préservée, considérer la vie comme un droit, jusqu’à la fin… et le dire sans pathos, sans exagération, sans théâtralisation.
Impossible de ne pas se projeter, ne pas retrouver dans ses visages, ces pas lents et mesurés, ces paroles décousues, des émotions intimement vécues. Impossible de ne pas se sentir concerné.
Wanderer / Laurent Roudillon
Un écran, trois chaises empilées, des chaises de salle des fêtes, de celles qui neutralisent toute idée de poésie de l’objet, de dramaturgie du décor. Et un néon. L’espace scénique ainsi aseptisé nous installe dans ce qui va se jouer, se voir, se dire et s’entendre dans ce spectacle : la vie, dans sa dernière ligne droite et parfois douloureuse, son accompagnement, sa qualité, mais sans sublimation ni misérabilisme, sans amabilité feinte ni discours moralisateur. Juste ce qui est.
Le spectacle commence par la vidéo, des images filmées par Emmanuelle Hiron elle-même, de vraies images documentaires, sans mise en scène, sans questions orientées, sans musique grandiloquente. Si bien que cette première vieille dame prend son petit-déjeuner au son de la bande originale de Fame qui passe à la radio, et on sourit déjà de cette incarnation de l’anachronisme symbolisant une société qui préfère encore faire un pas de côté plutôt que de prendre en compte l’augmentation de l’espérance de vie et les besoins d’accompagnement qui en découlent. Puis une femme en fauteuil déambulant dans le couloir de l’EHPAD, dans un décor hybride d’institution médicalisée, agrémenté d’objets décoratifs ou d’affiches qui tentent tant bien que mal d’en faire aussi un lieu de vie.
« On a recréé de la vie pour que ça ne fasse pas trop hôpital. Maintenant, je te dis que je cherche une qualité de vie, que c’est un lieu de vie, on fait des progrès, c’est vrai mais faut être honnête, c’est pas leur domicile. C’est une chambre qui est complètement anonyme. C’est une chambre qui a été précédemment occupée par quelqu’un et qui sera, après, occupée par quelqu’un d’autre. Alors on leur demande d’amener des objets de chez eux, tout ça pour recréer un lieu de vie. Mais c’est considéré par tous comme un lieu de fin de vie. »
Pendant la diffusion des images, la comédienne entre en scène. C’est donc Emmanuelle Hiron qui nous livre le monologue qu’elle a écrit d’après les nombreux échanges avec son amie Laure Jouatel. Loin de la simple retranscription, elle met à disposition son art, son corps et sa parole au service d’une autre vie que la sienne. Une vie bien réelle, une réalité ordinaire.
Cette présence physique, cette parole vivante, réfléchie, subjective mais profondément réaliste, et finalement merveilleusement humaniste, amène le spectateur à dépasser sa gêne, son émotion, à neutraliser ces sentiments auxquels on s’arrête souvent et qui nous empêchent – peut-être – de réfléchir vraiment à l’accompagnement de nos vieux. Comme si s’émouvoir suffisait à se dédouaner de toute action ou réflexion, échappatoire facile à nos problématiques contemporaines.
L’émotion est pourtant là, dans les images parfois tremblantes de ces vieux, tremblant eux aussi, dans les propos confus de ces résidents qui tentent d’exprimer une angoisse parfois indicible, à travers l’implication et l’attention perceptibles dans le moindre geste du personnel soignant, et de façon générale dans cette confrontation du spectateur à la vieillesse et ses « petites contrariétés », démence, perte des repères, de la mémoire, et sans doute cette peur de la mort qui doit accompagner leur quotidien
« Les gens ne viennent pas ici spontanément. Il y a cette idée de mouroir.
Et il y autre chose aussi, et c’est aussi positif, j’ai vu des familles beaucoup là au début et qui le sont moins. Moi je le vois aussi positivement. Je pense qu’elles ont confiance en nous et qu’elles ont moins besoin…
C’est souvent des gens qui ont été, très, très investis dans cette relation avant que les résidents arrivent ici. Ils sont peut être restéstrois, quatre, cinq ans à s’occuper au domicile de toutes les problématiques : les égarements, les agitations, l’incontinence. Ils sont épuisés.
Il y a une culpabilité quand ils arrivent, c’est clair. Les familles culpabilisent.
Mais y’a aussi ouf.
Il n’y a pas que… Qu’est-ce que c’est que ces familles qui ne viennent pas les voir !
Il y a aussi des familles qui recommencent à vivre. »
Une des forces du spectacle, et qui en fait un geste artistique essentiel, est donc la présence de la comédienne, au service de son sujet bien évidemment, et sans aucune intention de heurter le spectateur. Ce monologue de théâtre est finalement un dialogue silencieux entre elle et nous. Un langage commun, une entente tacite, pour ensemble accepter de voir ce qui est, sans sublimation, sans dissimulation, sans larmoiement.
Après chaque passage documentaire, elle est là et reprend immédiatement la parole, pour ne pas que l’émotion ne supplante totalement la prise de conscience ni la réflexion. Le propos est parfois léger, parfois cru, mais tout est dit, jusqu’à l’expérience de la toilette mortuaire, moment très fort du spectacle qui nous fait osciller entre rire et larmes mais à l’issue duquel on a envie de lui dire merci. Parce que dire les choses ne les rend pas plus violentes, les entendre non plus. Emmanuelle Hiron nous accompagne dans l’acceptation de l’inévitable. Comment ne pas saluer l’ensemble de son geste, que ce soit son regard, son écriture, sa présence, mais aussi cette main tendue au spectateur que constitue sa proposition théâtrale ?
Alors merci Emmanuelle Hiron d’avoir pris ce sujet à bras le corps et le cœur, merci à travers vous à votre amie Laure Jouatel d’avoir eu, comme vous lui faites dire, « envie de défendre la vie là où on pourrait penser qu’il n’y a que la mort», merci aussi d’avoir utilisé le théâtre comme la tribune d’une artiste-citoyenne, sans chercher à savoir si les programmateurs oseraient, sauraient ou auraient envie de relayer ce chant d’amour auprès de leur public. Cela ne fait qu’ajouter à la beauté du geste.
Enfin, n’oublions pas Mado, une des résidentes que l’on suit à travers les images filmées, qui est un peu le ruban rose et poétique du spectacle et à qui l’on doit la parole la plus juste qui soit : « Ici c’est une maison de repos pour les… Je sais pas, une maison de repos pour les… Je sais pas, je sais pas comment dire… ». Le jour où l’on saura dire, nous saurons sans doute mieux les accompagner, ces Résidents.