Macbeth : Que fait la nuit ?
Lady Macbeth : Elle est à débattre avec l’aube qui est qui.

 

 

Après « Hamlet » en 2004, « Richard III » en 2009, « Songe d’une nuit d’été » en 2012, David Gauchard signera en 2024 la mise en scène de « Macbeth. » et fêtera ainsi ses retrouvailles avec Shakespeare et le traducteur André Markowicz. Un retour aux grands classiques en musique avec le musicien-chanteur ARM dans le rôle éponyme et la comédienne-chanteuse Marina Keltchewsky dans le rôle de Lady Macbeth.

Que fait la nuit ? Elle est à débattre avec l’aube qui est qui ?

Macbeth est une pièce sur la peur. Macbeth tue le sommeil. Défait le théâtre. Et la nuit s’éternise.
Victorieux général, Macbeth apprend de trois sorcières qu’il finira par devenir Roi.

Banquo, son ami, reçoit lui la prophétie qu’il sera le point de départ d’une longue lignée de souverains.
Encouragé par les prédictions de ces trois sorcières et par l’ambition complice de sa femme, le couple Macbeth tue, en secret, le roi Duncan et usurpe le trône.

Le sang appelant le sang, la soif de pouvoir et de puissance du duo fusionnel, irraisonné, informe et leur folie hallucinatoire, les entraîneront dans une spirale meurtrière…

 

Que laisserons-nous à nos enfants ?

La question se pose quand l’ambition du couple usurpateur, infertile, nous emmène dans un abîme guerrier sans fond. Quand les fils légitimes de Duncan sont accusés à tort de parricide et sont obligés de quitter leur patrie. Quand Lady Macduff voit son fils assassiné pour dissidence politique. Quand la descendance de Banquo est traqué dans son moindre ADN pour éradiquer tout contre pouvoir. Comment ne pas faire des ponts avec l’actualité du monde ? Avec la mise à mal de la pensée, du bien fondé de la Culture.

 

Pourquoi l’homme s’acharne t-il toujours à tuer son futur ?

Que restera t-il après nous sinon, la poésie, les enfants et la forêt qui avance ?
Cette mise en scène musicale et radicale nous précipitera dans un flot tourbillonnant de paroles et d’images poétiques, exigeantes et engagées. Proposera par la catharsis un théâtre de la réconciliation.

Genre : théâtre-musique
Année de création : 2024
Tout public à partir de 13 ans
Durée estimée : 1h40

 

Création les 5, 6 et 7 novembre 2024 – Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper

 

Auteur William Shakespeare
Traduction André Markowicz

Adaptation et mise en scène David Gauchard
Assistanat à la direction d’acteur·rices Emmanuelle Hiron

 

Avec ARM, Marina Keltchewsky, Vanessa Liautey, Vincent Mourlon, Sophie Richelieu et François Robin
Voix Barthélémy Pollien et Joshua Renault
Musique ARM et François Robin
Textes additionnels « Les Sonnets » de William Shakespeare, traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan (Editions Mesures)

 

Scénographie David Gauchard & Fabien Teigné
Régie plateau et régie générale Olivier Borde
Création et régie lumière Didier Martin
Création et régie vidéo Alexandre Machefel
Création et régie son Mikael Plunian
Costumes Emmanuelle Thomas

Production L’unijambiste
Diffusion La Magnanerie
Presse Murielle Richard

Coproductions Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper – L’OARA, Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine – Théâtre de Saint Quentin en Yvelines, scène nationale – L’Archipel, scène nationale de Perpignan – MA scène nationale, Pays de Montbéliard – Le Canal, Théâtre du Pays de Redon – La Mégisserie, Saint Junien – Equinoxe, scène nationale de Châteauroux – Le Tangram, scène nationale d’Evreux – Les Scènes du Jura, scène nationale – Théâtre du Pays de Morlaix – WART, Morlaix – Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré – Warm Up du Printemps des comédiens, Montpellier – Quai des rêves, Ville de Lamballe-Armor – Scène 55, Mougins
Soutiens Théâtre de l’Union, Centre dramatique national de Limoges – Opéra de Limoges – Festival Mythos, Rennes – L’Eskal, Île d’Ouessant

 

visuel © Dan Ramaën – Gildas Raffanel – Benjamin Le Bellec
photos résidences © Pierre Bellec / © Dan Ramaën

Revue de presse

Théâtre(s) / Automne 2024 / Tiphaine Le Roy
Shakespeare figure au répertoire de la compagnie L’unijambiste depuis ses débuts, avec Hamlet en 2004, puis Richard III en 2009. Son metteur en scène David Gauchard, y revient aujourd’hui, douze ans après son adaptation du Songe d’une nuit d’été (2012).


La pièce
David Gauchard: Quand nous avons monté Hamlet, j’ai tout de suite parlé à André Markowicz, qui en avait réalisé la traduction, de mon envie de monter Macbeth dans la foulée. Il m’a dit que nous le ferions plus tard. Je lui en ai reparlé il y a 3 ou 4 ans, et il m’a dit que maintenant nous étions prêts. André Markowicz, par sa traduction vient nous ouvrir la pièce. Dans l’adaptation que je prépare, il y aura 4 sonnets de Shakespeare dans la traduction d’André Markowicz et de Françoise Morvan.

Un projet mûri de longue date
DG: J’ai découvert ma passion pour le théâtre avec Shakespeare. Je me souviens que pour Hamlet, nous avons fait une version pour les scènes de musiques actuelles, avec des artistes de ces esthétiques comme Robert Le Magnifique. Pourquoi revenir à Shakespeare 12 ans plus tard ? Déjà parce que l’on sait, quand on prépare un Shakespeare, que l’on va monter une pièce de troupe. Et sur le choix spécifique de Macbeth, la raison est que je souhaite ouvrir un nouveau cycle de création sur le sujet du couple (je pense déjà à Scènes de la vie conjugale de Bergman pour la suite…). Macbeth est aussi un défi, c’est un « Himalaya » du théâtre. C’est peut-être la pièce la plus adaptée au monde, au théâtre, à l’opéra, au cinéma, mais la connaît-on vraiment ?
 
Le choix d’ARM pour le rôle de Macbeth
DG: Quand on choisit une pièce qui porte le nom de son personnage principal, on commence par s’interroger sur la personne qui pourra interpréter le rôle-titre. Loïc Renault avec qui nous avons travaillé sur Hamlet et Richard III, va faire sonner le texte comme personne. C’est une pièce dont on aimerait qu’elle puisse être seulement écoutée, presque radiophonique, pour entendre à la fois la langue (en pentamètre ïambique) et l’interprétation. Comme Loïc est rappeur, sous le nom de ARM, le piège est de croire qu’il y aura du rap, ou a minima du slam et de la musique hip-hop. Le sujet n’est pas là. Loïc sera acteur, avec les autres acteurs et actrices autour, dirigé par moi et Emmanuelle Hiron qui m’accompagne pour la première fois la direction de jeu.
Loïc Renault: L’idée n’est pas de rendre Shakespeare en rap. Cela a beaucoup été fait et ce n’est pas notre but. C’est un chemin que j’aime bien : je joue avec des comédiens et comédiennes, je ne me sens pas sous pression mais entouré.
 
Le politique par l’entrée de la poésie
DG: Je ne me suis pas imposé de parallèles « actuels ». On parle ici de tyrannie, de peurs, de folies meurtrières. Je me suis dit que je n’avais pas besoin de ramener la pièce à aujourd’hui pour lui donner plus d’impact, de résonance, mais que c’était plutôt à nous d’aller vers elle, vers sa poésie obscure. C’est sans doute l’inverse de ce que l’on fait aujourd’hui pour les spectacles documentaires ou intimistes, comme je l’ai fait dans mes créations les plus récentes (Inuk, Le fils, Time to tell, Nu). Ici ce qui nous anime c’est de se laisser aller vers un univers intemporel et la poésie des sonnets de Shakespeare est assurément intemporelle. Oui, aujourd’hui, monter une pièce de troupe et donner à entendre de la poésie est sans aucun doute un défi économique et politique.
 
La distribution
DG: Ce qui est toujours curieux dans les discussions avec les producteurs lorsque l’on aborde le sujet d’adapter Shakespeare, c’est que la question posée est tout de suite celle du nombre d’interprètes. La première impression est de se dire que monter Macbeth avec moins de personnages serait plus facile, mais c’est totalement faux. Cependant, c’est une contrainte intéressante, car cela m’a permis de me concentrer sur le couple Macbeth. Lady Macbeth sera interprétée par Marina Keltchewsky. Elle a cette particularité d’être une comédienne incroyable et une chanteuse rock, membre du groupe Tchewsky and wood, dont je connais bien le batteur Gaël Desbois. Pour les autres interprètes, j’ai rencontré Vanessa Liautey, avec qui j’avais envie de travailler. En répétitions à Montpellier dans le cadre d’un Warm-up du Printemps des comédiens, Vanessa, au pied levé, a brillamment donné la réplique du prince Malcolm à Marina et je lui ai proposé comme une évidence de jouer ce rôle masculin. Vincent Mourlon qui jouait dans Des couteaux dans les poules, Le songe d’une nuit d’été, Ekatérina Ivanovna et avait le rôle éponyme dans Richard III, sera Banquo. Il y aura aussi Sophie Richelieu, qui jouait dans Le temps et la rivière où je m’en vais pêcher, qui incarnera la voix du peuple, « le coryphée ». Et François Robin, sonneur de cornemuse, interprétera par sa musique, l’Écosse. Son interprétation live viendra contre balancer les musiques préenregistrées par ARM faites elles sur des machines.
 
Le couple Macbeth
DG: Dans cette pièce il existe un non-dit qui est « pourquoi n’ont-ils pas d’enfants ? ». Et il y a aussi la question « qu’est-ce que l’ambition d’un couple sans enfants ? »; Il y a quelque chose qui se joue autour de la question de l’hérédité, puisque Macbeth et Lady Macbeth n’auront pas de descendance alors que Banquo, si. Ça m’intéressait de créer un couple moderne dans sa manière de se parler et de se projeter dans un avenir commun : ambition et ascension sociale. Et dans Macbeth, on pousse au paroxysme puisqu’ils vont commencer par commettre un régicide.
LR: Ce qui est intéressant dans cette vision du couple, et on s’en est rendu compte en voyant de nombreuses adaptations, c’est que la pièce est souvent réduite de façon manichéenne selon un schéma où lui serait manipulé par sa femme, qui serait presque la quatrième sorcière de la pièce. Mais ce n’est pas si simple, et l’on se rend compte en lisant et relisant encore que ce couple est uni. Il est intéressant de travailler ce couple en tant qu’unité et pas de manière binaire selon l’idée que lui serait la victime et elle le personnage mauvais.

Le Courrier Cauchois / 10 janvier 2025 /
Des terrains de foot à la mise en scène de théâtre.

David Gauchard vit à Rennes en Bretagne.Le metteur en scène revient dans son pays natal, le 24 janvier prochain. Un de ses spectacle Nu est joué ce soir là à Fécamp au Théâtre le Passage. Le créateur de la Cie L’unijambiste a vu le jour le 6 janvier 1973 à St Romain de Colbosc…
Ces premières années, le cauchois ne les passes pas sur les planches. Gamin, il foule les terrains de foot. Plutôt doué. Au coeur des équipes de jeunes du SRAC (St Romain Athlétic Club), il porte le N°10, celui de Platini, puis de Zidane. Il était capitaine. Très assidu lors des entrainements et des matchs, il est accompagné par son père qui est encadrant bénévole. Le jeune David Gauchard intègre la classe foot-études de Saint Valéry en Caux d’où sont sortis les futurs pros Emmanuel Petit, Demba Iba, Antoine Devaux et quelques autres. L’expérience ne dure que quelques semaines. « Je ne me suis pas fait à la vie en internat, je me sentais en décalage. Je n’étais jamais sorti de ma campagne », reconnait-il.
Le ballon rond, il continue quelque temps. Mais le plaisir n’y ait plu. L’élève du lycée Guillaume le Conquérant de Lillebonne goûte au rugby avec l’équipe UNSS. SEs qualités de vitesse et son centre de gravité assez bas sont appréciés de ses coéquipiers et craintes de ses adversaires. David Gauchard aime également … les troisièmes mi-temps. Son BAC D (scientifique) en poche, il rejoint l’IUT de chimie de Rouen. C’est pendant ses études supérieures normandes qu’il arrête le sport pour lui préférer le théâtre. « J’avais déjà été initié par mon professeur d’histoire en terminal » , précise-t-il.

L’ancien meneur du SRAC intègre une autre sorte de collectif, la troupe universitaire La Réplique. «  je me suis éclaté. Cela m’intéressait bien plus que la chimie, je l’avoue. Avec des copains, on écrivais des sketchs, un peu à la manière de l’émission Rien à cirer de Laurent Ruquier. On jouait dans les bars et les soirées étudiantes ». Le Saint Romanais ne pense pas alors en faire son métier. Mais dans la troupe certains de ses camarades nourrissent déjà le projet. Ils préparent les concours des écoles nationales d’art dramatique. Lui les accompagne pour leur donner la réplique. Du coup, il tente le coup lui aussi. A cannes sa prestation lui permet de passer le premier tour. Mais son manque de pratique et de références classiques lui ferme les portes à l’issue du second. » j’étais sur liste d’attente mais personne ne s’est désisté. Je suis resté dans le Sud. Je travaillais dans les hôtels pour les festivals ». La persévérence paie. L’année d’après il réussit cette fois le concours et entre à l’ERAC (Ecole régionale d’acteurs de Cannes. Qu’il quitte au bout…d’un an. « Je voulais être metteur en scène plus que comédien »., justifie-t-il. Problème, dans les années 90, aucun établissement en France ne forme à cette spécialité. La chance lui tend la main à l’Académie Théâtrale de l’Union de Limoges. Le directeur roumain Silviu Purcarete le laisse mener ses projets. «  je travaillais la nuit à la lumière de la servante, la petite lampe qui reste allumée quand le théâtre est plongée dans le noir, se remémore David Gauchard. A la fin de mes études j’ai monté Mademoiselle Julie de Strindberg et le Centre d’art Dranatique (CDN) l’a achetée ».

En 1999, le Normand fonde sa compagnie L’unijambiste.
« L’unijambiste, c’est une blessure qui m’a éloigné du sport à haut niveau. Je me suis blessé ce qui me laisse une légère boiterie à vie ».

Il se fait surtout remarquer par ses mises en scène de Shakespeare dans les traductions d’André Markowicz. Hamlet en 2004, Richard III en 2009, Le songe d’une nuit d’été en 2012. Il monte ensuite des propositions plus contemporaines (Le fils, Inuk, Nu). Son travail mélange les influences. Auteurs, traducteurs, comédiens, musiciens, chanteurs lyriques, danseurs, artistes graphiques et photographes. Ses résidences successives ressemblent à un véritable tour de France : Bellac, Aubusson, Villefranche sur Saône, Saint Nazaire, Chambéry, Quimper, Saint Quentin en Yvelines, Redon, Perpignan,…

En 2024 le metteur en scène se frotte à nouveau à Shakespeare avec la sulfureuse pièce Macbeth toujours fidèle à son traducteur André Markowicz.
« Dans le métier, elle a la réputation d’être maudite ». Pour conjurer le mauvais sort, David Gauchard donne le premier rôle non pas à un acteur de formation mais au rappeur ARM. Et le pari est gagnant. Les spectateurs ne sont pas avares d’applaudissements. Comme dans les stades finalement.
Dates de tournée
18

représentations

CRÉATION

5, 6 et 7 novembre 2024 Théâtre de Cornouaille, Scène nationale de Quimper


 

DIFFUSION

Saison 24-25

13, 14 et 15 novembre 2024 Théâtre du Pays de Morlaix – en partenariat avec WART

28 et 29 novembre 2024 Le Canal, Théâtre du Pays de Redon

5 décembre 2024 Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré

9 et 10 janvier 2025 Le Tangram, Scène nationale d’Evreux

16 janvier 2025 La Mégisserie, Saint-Junien

21 janvier 2025 L’Equinoxe, Scène nationale de Châteauroux

23 janvier 2025 Théâtre Jean Lurçat, Scène nationale d’Aubusson

4 et 5 février 2025 Théâtre de Lons le Saunier, Scène nationale du Jura

4 et 5 avril 2025 Théâtre National de Bretagne – Festival Mythos, Rennes

Macbeth

« De toutes les superstitions qui existent autour du théâtre (et elles sont nombreuses), la plus légendaire est probablement celle qui entoure la plus courte des tragédies de Shakespeare : Macbeth.

Le nom de la pièce serait maudit et entraînerait de terribles malheurs s’il est prononcé à l’intérieur d’un théâtre – à peu près de la même manière que l’on doit soigneusement éviter de souhaiter « bonne chance » à un comédien – et est remplacé par l’euphémisme « The Scottish play », aka « la pièce écossaise ». Les rôles de Macbeth et Lady Macbeth ainsi que les acteurs qui les jouent sont aussi simplement appelés « M » et « Lady M ». La malédiction s’étend même jusqu’au simple fait de prononcer des répliques de la pièce dans le théâtre hors d’une représentation ou d’une répétition, tout particulièrement les incantations des sorcières au tout début. Si, par malheur, une réplique est prononcée, le coupable est alors contraint et forcé de sortir du bâtiment, de tourner trois fois sur lui-même, de cracher, de jurer, et de toquer à la porte jusqu’à ce qu’on daigne lui rouvrir… Ou, si le temps presse, de citer Hamlet quand il s’exclame « Angels and ministers of grace defend us ! » (Acte 1, scène 4). Sinon? Sinon, un drame risque d’arriver. Personne n’a envie de se prendre la foudre. Dès la première représentation de Macbeth, Hal Berridge, le jeune garçon qui était supposé incarner Lady Macbeth, serait… tombé raide mort dans les coulisses. La légende veut que Shakespeare lui-même se soit retrouvé contraint et forcé de monter sur scène pour incarner le rôle – et si cette donnée n’est guère vérifiable, la rumeur seule a suffi à donner une aura toute particulière à cette pièce pour le reste tout particulièrement sinistre. »

Note d'intuition / David Gauchard
Dans ce travail, je fais confiance entièrement à la langue de Shakespeare et à l’intelligence intuitive des spectateurs. Le chemin de mise en scène est un choix radical, assumé où le vers élisabéthain se trouve en lumière « bien avant » les acteurs, les costumes et le décor.
Où le jeu est frontal, face public, suggéré, minimaliste, et j’ai presque envie de dire « radiophonique ». Quoi qu’il en soit, le texte reste pour moi la pierre angulaire de cet édifice.
L’auteur-compositeur et rappeur Arm, à la voix et au phrasé incomparables, a écrit la quasi totalité de la musique du spectacle et incarne le rôle éponyme par le verbe. Il emprunte un chemin d’acteur mais ne joue pas à l’acteur. Par son flow, il est le vecteur du texte, de ses mouvements et de sa parfaite diction et compréhension. Le résultat est que la salle écoute tout le long de la représentation la voix du texte. « L’oreille et l’oeil » disait Shakespeare…
Les sorcières ne seront pas incarnées. Et pourtant elles seront là. Leur immatérialité sera la réponse la plus crédible que j’ai trouvé pour les faire vivre. De même que la présence « audio » des enfants dans la pièce (je parle de Fléance (fils de Banquo) et du fils de Lady Macduff).
Les morts, eux, seront signifiés par le fait de dire (avec sobriété) un sonnet avant de sortir de scène. Pas d’hémoglobine. Pas d’emphase. De la poésie. Le texte dit, donc : c’est.
Macbeth (le non-acteur) quittera, lui, définitivement le théâtre pour signifier sa fin.
Il dira à l’acteur Macduff avant de partir :
« Dehors brève bougie ! La vie une ombre
Qui marche, un pauvre acteur qui se pavane
Et se démène une heure sur l’estrade,
Et puis qu’on entend plus; un conte dit
Par un idiot, plein de bruit et de fureur
Et qui signifie : RIEN. »
Signifiant le « rien » et sa condition « de non-acteur », justement. On ne vient pas voir l’acteur Macbeth, mais la pièce Macbeth. Son édifice, sa construction, sa langue.
… la mise en scène suit. Offrant ses pleins et ses vides. Laissant le spectateur lire le nom des protagonistes de la scène pour une meilleure compréhension de celle-ci ou suivre les accélérations de l’intrigue par de rapides résumés en surtitrage. Au dessus de l’acteur qui joue Banquo lors de la scène du banquet, on peut lire « Le fantôme de Banquo » et tout le monde comprend. L’enjeu n’est pas ici de faire un exploit d’ingéniosité holographique; et je ne spoile rien en disant ça; la ligne de conduite étant que tout le monde comprenne ce qui se joue.
L’ensemble de la troupe est également au diapason de ce parti pris de mise en scène. S’appuyant sur le beat, la musique du texte sans artifice, quasi sans « décor », sans fioriture. A l’os. Alternant texte et image, silence et chant. Cherchant toujours l’écrin le plus juste pour distiller avec rythme et tension la langue de Shakespeare à l’oreille-roi du spectateur. Toute la gageure étant de monter une idée, une vision de Macbeth avec seulement 6 acteur·rices et rester crédible et audible de bout en bout.
L’adaptation se concentrant sur la trajectoire du couple. Le sonnet 12 et 71 ajoutés pour amplifier d’un côté l’infertilité du couple et de l’autre la folie et le suicide de Lady Macbeth.
De même, je ne me suis pas imposé de parallèles « actuels ».
On parle ici de tyrannie, de peurs, de folies meurtrières. Je me suis dit que je n’avais pas besoin de ramener la pièce à aujourd’hui pour lui donner plus d’impact, de résonance, mais que c’était plutôt à nous d’aller vers elle, vers sa poésie obscure. C’est sans doute l’inverse de ce que l’on fait aujourd’hui pour les spectacles documentaires ou intimistes, comme je l’ai fait dans mes créations les plus récentes (Inuk, Le fils, Time to tell, Nu ou prochainement dans Soprane). Ici ce qui m’anime c’est de se laisser aller dans un univers intemporel et la poésie des sonnets de Shakespeare est assurément intemporelle. Oui, aujourd’hui, monter une pièce de troupe et donner à entendre de la poésie est sans aucun doute un défi esthétique, économique et politique…
A chaque représentation depuis la création, et je le dis, avec étonnement : la salle est pleine car un classique Shakespearien attire, et pourtant le public a peur en entrant en salle. Peur de ne pas comprendre. Peur de la lourdeur ou de la longueur. Et in fine : il sort grandit, je crois, de cette proposition qui fait la part belle au texte et à la capacité qu’à le théâtre à nous élever (ensemble et pour soi) à l’instant juste de la représentation, du jeu vivant.
Nous avons donné deux représentations en scolaire à l’automne avec le même émerveillement d’entendre les applaudissements nourris, fruits du travail de la troupe, de l’auteur et son traducteur mais aussi de chacun·es qui se sent à la fois fier·es, soulagé·es et grandi·es par le Théâtre. »
David Gauchard
Je crois que mon goût pour le théâtre est lié à mon goût pour Shakespeare

Quand j’étais étudiant, aspirant metteur en scène, il n’y avait pas de formation à la mise en scène.
Il fallait soit être assistant soit s’autoproclamer et faire ses propres expériences (avec ses camarades ou en tant que spectateur).

J’ai eu cette double chance grâce au metteur en scène roumain Silviu Purcarete, directeur à l’époque à la fois de l’Académie Théâtrale de l’Union (où j’ai appris mon métier) et du CDN de Limoges.

Je me souviens de la mise en scène d’Hamletas d’Eimutas Nékrosus, du Richard III de Marcial Di Fonzo Bo ou encore du Songe d’une nuit d’été de Silviu Purcarete dont j’étais l’assistant mais aussi le jeune page indien, objet du désir entre Titania et Obéron. Je me souviens du geste scénographique, des intrigues incroyables, de l’interprétation des acteurs mais surtout de l’art de la mise en scène, de l’intelligence de lecture.

A Limoges, le directeur avait souhaité que notre jeune promo, la première, aille jouer Shakespeare dans les villages alentours un peu partout dans le Limousin. Une certaine idée du théâtre dans les granges. Et il nous avait alors commandé l’écriture d’une pièce traversant plusieurs oeuvres de Shakespeare et donnant la part belle à chaque étudiant de la séquence 1. Avec Emmanuelle Hiron, nous avons (presque) lu tout Shakespeare, nous avons ensuite fait un exercice de couture et c’est notre pièce qui a été plébiscitée et que nous avons monté avec nos camarades de classe. Mon premier Shakespeare.

Plus tard après l’école, il y a eu ma rencontre avec André Markowicz. J’ai redécouvert Shakespeare. Pas seulement ses histoires incroyables, sa faculté à faire naître des images hallucinantes à la vitesse de l’éclair, mais avec André j’ai découvert la poésie. Ne pouvant embrasser tout d’un coup, j’étais, je crois, passé à côté de la poésie, de la langue. André Markowicz traduit le poème Shakespeare. Il traduit autant la forme que le fond. Il respecte la métrique. Le pentamètre ïambique qui donne le beat à la troupe qui s’en saisit. C’est ce que nous avons fait. Avec acteurs et musiciens au plateau. Shakespeare et Musique. Hamlet joué au Transmusicales de Rennes, puis Richard III dans des festivals hybrides et Songe d’une nuit d’été

alternant hight tech et low tech.

Après Hamlet en 2004, Richard III en 2009, Songe d’une nuit d’été en 2012, c’est Macbeth. en 2024 qui scellera pour moi 20 années d’amitié et de compagnonnage ar- tistique avec le traducteur André Markowicz. Cette pièce, bien que « marquée du sceau du malheur » est une pro- messe d’il y a 20 ans, un rendez-vous incontournable, on pourrait dire des retrouvailles.

C’est une pièce que je souhaite aborder avec beaucoup d’humilité. Je veux écouter la pièce, sa traduction, en suivre les signes, la laisser nous guider et lui faire totale- ment confiance. Soigner l’oreille et l’oeil.

Et ne chercher à dire que ce qu’elle a à nous dire. J’ai demandé au musicien-chanteur ARM de jouer le rôle éponyme. Son rapport au texte, à la langue, au phrasé sera là pour nous ancrer au plus profond des vers shakespeariens.

J’ai également proposé à Marina Keltchewsky d’être Lady Macbeth. Marina est une redoutable comédienne, qui a aussi la particularité d’être une incroyable chanteuse. Ce couple sera magnifique. C’est une pièce éponyme qui raconte l’infertilité et l’ambition d’un couple qui plonge l’Ecosse dans une insomnie abyssale et une nuit perpétuelle.

L’adaptation sera recentrée sur l’intrigue et les personnages principaux. J’ai ajouté les sonnets 12, 66, 71 dans la traduction de Françoise Morvan pour souligner quelques passages emblématiques de la pièce.

Les comédien·nes Vanessa Liautey, Sophie Richelieu, Vincent Mourlon et le sonneur François Robin complèteront la distribution. Comme fidèle au travail de la com- pagnie, la mise en scène donnera une fois de plus la part belle à la musique.

J’ai également souhaité être accompagné de la comédienne Emmanuelle Hiron qui m’assistera à la direction d’acteur·rices. Sa grande qualité d’interprète et son regard aigüe de l’art de l’acteur et de la scène seront des atouts précieux pour tenter l’ascension de cette pièce Himalaya. La plus courte et cependant la plus sulfureuse du plus grand dramaturge de tous les temps.

David Gauchard – Février 2024

Note d'intention / André Markowicz

Rien de surnaturel dans Macbeth, sinon le théâtre lui-même. Agitez quelques branches d’arbres et vous avez une forêt qui marche. Prenez un homme qui est né d’une femme morte en le mettant au monde et vous avez un homme qui n’est pas né d’une femme, puisqu’il est né d’une morte. Rien de surnaturel sinon le désir et la peur qui vous font des habits si grands qu’ils vous dépassent, et qui vous poussent vous-même à vous dépasser une fois que vous les avez revêtus. Et cette peur, toujours, de vos propres images, et cet enchaînement qui fait qu’un acte, une fois fait, entraîne le suivant, et qu’il n’y a aucune fin, ni à la peur, ni à l’acte lui-même.

Macbeth est une pièce sur le théâtre, mais elle est le contraire d’Hamlet, qui construisait, sur l’estrade, son immortalité, sa vie en tant que homme de la chair et homme de la lettre. Le théâtre, dans Macbeth, il défait.

Un mot est répété, à chaque scène, quasiment à chaque page, le verbe faire, avec ses dérivés. Quand Macbeth tue Duncan, il ne dit qu’il l’a tué. Il dit : I done the deed. J’ai fait, littéralement, le fait – j’ai fait l’acte. Parce que, c’est ça, dans Macbeth, faire, – ça veut dire défaire. Les mots veulent dire leur contraire : le pur est l’impur, et l’impur est pur, – et le mot fair est, là encore, si proche du mot fear, – comme le pur est proche du mot peur.

La peur du pur, la peur de la beauté, et l’impossibilité de faire, dès lors que celui qui a fait, réellement, c’est Dieu. L’homme, lui, comme un histrion, s’agite sur les planches, il dit le conte de sa vie, un conte plein de bruit et fureur, le conte de son désir et de sa peur, le conte de ses propres abysses, – et ce conte, dit Shakespeare, [signifies] nothing. Oh non, il ne veut pas rien dire. Il fait signe, il fait sens, il représente, le Rien.

André Markowicz – Mars 2024

[VIDEO] Les premiers pas, les premiers vers, les premiers paysages...

Résidence L’Eskal, Ouessant (septembre 2022)
Vidéo © Pierre Bellec

[VIDEO] 1ère rencontre Macbeth / Lady Macbeth

WARM-UP du Printemps des comédiens, Théâtre Jean Vilar, Montpellier (septembre 2022)
Vidéo © Pierre Bellec

[AUDIO] Macbeth. - ESTU Limoges 2022

Dans le cadre d’un stage auprès de l’Ecole Supérieure de Théâtre de L’Union de Limoges, du 10 au 21 octobre 2022, David Gauchard a mené un travail autour de sa prochaine création : Macbeth.
En présence du traducteur André Markowicz et du rappeur ARM (qui tiendra le rôle titre dans la pièce), David Gauchard a proposé un travail intitulé « bien lire pour bien dire », puis a proposé dans un second temps la mise en voix et en musique d’extraits de la pièce.

Adaptation et mise en voix David Gauchard
Musique, enregistrement et mixage Loïc Renault / ARM
Traduction et dramaturgie André Markowicz

Ecole Supérieure de Théâtre de l’Union de Limoges
Directrice : Aurélie Van Den Daele
Directeur des études : Paul Golub
Coordinatrice des études / Photo : Chrystelle Avril

Avec les académiciens de la Séquence 11 : Ayat Ben Yacoub, Lilou Benegui, Sidi Camara, Justine Canetti, Samy Cantou, Hector Chambionnat, Marcel Farge, Nils Farré, Amer Ghaddar, Chahna Grevoz, Anna Mazzia, Juliette Menoreau, Inès Musial, Lila Pelissier, Barthélémy Pollien & Baptiste Thomas.

[AUDIO] Rencontre avec André Markowicz

[PHOTOS] Résidence L'Eskal, Ouessant - Septembre 2022 © Pierre Bellec
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[PHOTOS] Résidence WARM-UP, Montpellier - Septembre 2022 © Pierre Bellec
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[PHOTOS] Résidence Théâtre de St Quentin en Yvelines - Février 2023 © Dan Ramaën
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[PHOTOS] Résidence Théâtre de Morlaix - Juin 2024 © Dan Ramaën
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[PHOTOS] Création Théâtre de Cornouaille, Quimper - Novembre 2024 © Christophe Raynaud de Lage
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[PHOTOS] Création Théâtre de Cornouaille, Quimper - Novembre 2024 © Dan Ramën
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[PODCAST] Transistoch - Au coeur de la création de Macbeth à Quimper - par Marine Chanourdie

N’aie pas peur Macbeth,
jamais nul homme né de femme n’aura pouvoir sur toi