Rien de surnaturel dans Macbeth, sinon le théâtre lui-même. Agitez quelques branches d’arbres et vous avez une forêt qui marche. Prenez un homme qui est né d’une femme morte en le mettant au monde et vous avez un homme qui n’est pas né d’une femme, puisqu’il est né d’une morte. Rien de surnaturel sinon le désir et la peur qui vous font des habits si grands qu’ils vous dépassent, et qui vous poussent vous-même à vous dépasser une fois que vous les avez revêtus. Et cette peur, toujours, de vos propres images, et cet enchaînement qui fait qu’un acte, une fois fait, entraîne le suivant, et qu’il n’y a aucune fin, ni à la peur, ni à l’acte lui-même.
Macbeth est une pièce sur le théâtre, mais elle est le contraire d’Hamlet, qui construisait, sur l’estrade, son immortalité, sa vie en tant que homme de la chair et homme de la lettre. Le théâtre, dans Macbeth, il défait.
Un mot est répété, à chaque scène, quasiment à chaque page, le verbe faire, avec ses dérivés. Quand Macbeth tue Duncan, il ne dit qu’il l’a tué. Il dit : I done the deed. J’ai fait, littéralement, le fait – j’ai fait l’acte. Parce que, c’est ça, dans Macbeth, faire, – ça veut dire défaire. Les mots veulent dire leur contraire : le pur est l’impur, et l’impur est pur, – et le mot fair est, là encore, si proche du mot fear, – comme le pur est proche du mot peur.
La peur du pur, la peur de la beauté, et l’impossibilité de faire, dès lors que celui qui a fait, réellement, c’est Dieu. L’homme, lui, comme un histrion, s’agite sur les planches, il dit le conte de sa vie, un conte plein de bruit et fureur, le conte de son désir et de sa peur, le conte de ses propres abysses, – et ce conte, dit Shakespeare, [signifies] nothing. Oh non, il ne veut pas rien dire. Il fait signe, il fait sens, il représente, le Rien.
André Markowicz – Mars 2024