Oniri 2070

Spectacle politique, sonore et visuel, itinérant et autonome en énergie.

 

ONIRI 2070 est un voyage poétique, sonore et visuel où Juliette Guignard, Alex Machefel et Ezra façonnent le récit d’Oniri, un archipel fantastique et mouvant.

S’appuyant sur des entretiens que Juliette Guignard a glané au gré de la route, la vidéo et la musique sont réalisées en direct, mêlant matière concrète et univers abstrait qui allégorisent ce que les témoignages nous content. Nous faisons la connaissance d’habitants de l’archipel qui ont construit de nouvelles façons de faire cité, certains sur l’eau, d’autres vivent sur terre, et ils nous invitent à vivre l’expérience sensible et immersive de nos rêves futurs. Les projections d’Alex nous plongent dans des atmosphères végétales, lumineuses ou glaciales alors qu’Ezra dépeint musicalement des scènes de désert, de tempête ou d’abysse. Tel un cabinet de curiosités, les objets, les machines et manipulations qui produisent la matière du spectacle sont exposés à la vue de tous.

En tournée, le spectacle consomme moins d’un kilowattheure et s’appuie sur un dispositif autonome en énergie et transportable à vélo. Ce dispositif élaboré en collaboration avec de nombreux scientifiques et bricoleurs questionne le renouvellement de nos pratiques de musique amplifiée, spectacle vivant, vidéo et arts numériques. Cela ouvre aussi un grand champ des possibles pour les espaces de diffusion : places publiques, forêts, friches industrielles, autant de lieux insolites que nous souhaitons faire vivre, avec les publics sur des parcours dans leurs territoires.

Avec cette création, nous nous efforçons de questionner les pratiques d’une ère post-numérique naissante. Non parce que les outils numériques disparaissent, mais parce que dans nos vies comme dans l’expérience sensible du spectacle, leur boulimie semble peu sensée, si ceux-ci prennent le pas sur notre rapport tangible aux matières aussi essentielles et puissantes que le végétal, le minéral, la pensée, les émotions… Nous ne racontons pas seulement un futur souhaité, nous tentons de la vivre, avec les paradoxes de notre culture, de nos usages, nous tentons simplement de changer la manière de produire et diffuser du spectacle vivant, à notre échelle, avec poésie et en bicyclette.

© David Gallard

 

Création artistique transdisciplinaire
Année de création : 2021

Entretiens documentaires et voix Juliette Guignard
Création visuelle Alexandre Machefel
Direction artistique & création musicale Ezra
Régie lumière et énergie Kevin Loeslé
Paroles docu-fictionnelles Jean-Paul Miquet, Doriane Thiéry, Léa Caie, Anaïs Fotinatos, Hurley Cribier, Bastien Maupomé, Darja Dubravcic, Anton Truc, Luc Schuiten, Martial Baland, Lou Morriet, Romain Philippe Pomedio
Développement informatique Martin Hermant
Création lumière Bruno Teutsch
Énergie et vélos Juliette L’hotelier, Sacha Hodencq, Antoine Requena, Samuel Dumont, Clément Chabot, Julien Artus
Développement batteries Cindy Liotard, Frédéric Métral, Mehdi Bey, Nicolas Binet, Arnaud, Bouche-Pillon, Dimitri Gevet, Thierry Martin, Luisa-Fernanda Roulic, Lionel De Paoli, Delphine Pinto, Rémy Panariello, Pascal Drevard, Fabien Gilibert
Conseillers scientifique Charles-Élie Goujon, Éric Pessarelli
Regard extérieur David Gauchard

Production > Cie Organic Orchestra

Financeurs > Conseil départemental de la Sarthe, Ville du Mans, Région Pays de la Loire, DRAC Pays de La Loire, Conseil départemental du Maine et Loire, FondS SCAN – DRAC Auvregne- Rhône Alpes

Coproducteurs > L’Hexagone Scène Nationale de Meylan, l’Atelier Art-Science, Nouvelle Vague, Bonjour Minuit, Le Vip, Superforma, La ville du Mans

Accompagnement de recherche > CEA, Delta T° Conseils, Shark Amp’s, Eco-SESA, UGA, Low-tech Lab, La Casemate, Structure Fédérative de Recherche

Intentions

ONIRI est une cité archipel qui naît à la fin des années 2060. Elle se déplace sur les mers, sur les terres, et sans doute un jour dans les airs…

Oniri est une épopée au long cours, dont le répertoire se renouvelle chaque année, à l’instar d’épisodes d’une série fantastique. A l’image de la démarche de la cie Organic Orchestra, cette création allie la réalisation d’un spectacle musical et visuel sur un récit fictionnel, la fabrication d’outils qui répondent aux enjeux de mobilité, d’autonomie et de réduction énergétique et l’élaboration d’actions pédagogiques.

Dans ce dernier opus, Juliette, Alex et Ezra nous invitent au voyage imaginaire au sein de l’archipel d’ONIRI. Ils tissent les histoires de ses habitants, en questionnant la notion de mouvement – qu’il soit physique, symbolique, culturel, structurel… Juliette invite des personnes rencontrées sur la route à se projeter dans 50 ans et incarner les habitants de l’archipel mouvant. Ces entretiens sonores, Alex et Ezra, les mettent en image et en musique en direct, avec des outils et des instruments qu’ils créent eux-mêmes.

En relevant le défi de tourner ce spectacle à l’aide de vélos générateurs d’énergie, nous questionnons les modes de diffusion, notre rapport à la tournée, et à ce que sera la musique actuelle, le spectacle vivant, les arts numériques dans 50 ans. Nous imaginons une relation plus sobre à l’énergie et aux moyens de transports, tout en se projetant dans et hors des lieux usuels de diffusion: dans des lieux exceptionnels, en pleine nature, dans des friches industrielles, sur des places de village, toujours au contact des publics habitant ces espaces. Ainsi, dans une société de plus en plus fragmentée Oniri prend le temps de traverser et relier les territoires, et bouscule les schémas traditionnels de diffusion.

Au-delà du spectacle, ONIRI est une expérience qui implique chacune des personnes de cet écosystème: les artistes qui créent et écrivent, les ingénieurs conceptualisant le dispositif, mais aussi les diffuseurs qui dessinent avec nous chaque escale et les partenaires institutionnels qui nous soutiennent.

Malgré les annulations des premières, Oniri 2070 fut l’un des premiers spectacles à jouer après le confinement et ce pour 27 représentations. Nous remercions nos partenaires qui prennent le risque avec nous de faire perdurer le spectacle vivant dans ce contexte et aux publics, qui répondent présents. Cette situation nous conforte dans les choix que nous faisons : continuer à créer et à expérimenter artistiquement hors des sentiers battus, en utilisant nos pratiques contemporaines, les instruments de jeu et les dispositifs de diffusion que nous créons, tout en considérant la sobriété énergétique et l’indépendance technique auxquelles nous invite l’époque qui vient.

Oniri 2070 commence à faire modèle et nous sommes invités à travers la france à intervenir sur les enjeux écologiques du spectacle vivant auprès de publics professionnels, artistiques, techniques et institutionnels. Par ailleurs, des collaborations naissent avec d’autres partenaires diffuseurs pour les saisons 2021 et 2022 afin de développer ces tournées de territoires, usant de ces douces mobilités que nous offrent le vélo et la voile, sur des distances courtes, mieux ancrées socialement et plus cohérentes avec une démarche écologique.

Ainsi, en 2021 et 2022, avec ONIRI 2070 nous continuerons à traverser les territoires à la rencontre des publics pour faire découvrir ce spectacle immersif, partager ce projet utopique et échanger sur les questions qu’il soulève.

Ezra, Directeur artistique

Bilan technique et énergétique

LES DÉFIS À RELEVER

Le projet ONIRI est né de la volonté d’interroger les artistes et le public sur les notions de sobriété et d’autonomie énergétique, en mettant en pratique ces notions à travers une performance live de la compagnie. Nous avons regroupé ces notions sous trois grands défis

DÉFI NUMÉRO 1 : UNE SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE VOLONTAIRE

Chaque représentation consomme moins d’1 kWh d’énergie électrique : l’équivalent d’un PAR pour chaque représentation. Pour cela, nous avons cherché à connaître les consommations énergétiques de nos appareils, de mesurer et calculer avec le temps de la représentation l’énergie globale consommée pour le spectacle, et de réduire cette dernière au minimum tout en conservant les pratiques initiales des artistes.

Que peut-on faire avec 1kWh ? Dans la vie de tous les jours, 1kWh permet par exemple de prendre une demie douche chaude, parcourir 2km avec une Smart, utiliser son réfrigérateur pendant une demie journée seulement, ou encore cuire un poulet au four pendant 1h… 1kWh dans notre consommation électrique quotidienne, ça n’est pas grand-chose. Et pourtant, lorsqu’on s’intéresse aux différentes manières de transformer, stocker, et transporter de manière autonome cette énergie afin de la rendre accessible à tout moment, et ce sans groupe électrogène, constitue un véritable challenge.

DÉFI NUMÉRO 2 : UNE AUTONOMIE ÉNERGÉTIQUE

Le défi de l’autonomie énergétique vient de notre volonté d’être capables de jouer dans des lieux insolites, et non raccordés au réseau électrique. Mais il est très important de placer cette notion après la volonté de sobriété, car une autonomie énergétique démesurée n’a aucun sens du point de vue environnemental.

Après avoir étudié et testé différentes possibilités de stockage d’énergie électrique, notre choix s’est orienté sur des batteries lithium-ion, d’une part pour leur potentiel de réemploi et d’autre part pour leur usage combiné possible avec l’assistance électrique des vélos.

Pour relever ce défi, les systèmes de production (panneaux solaires photovoltaïques et génératrices à pédale) et de stockage ont donc été dimensionnés pour répondre spécifiquement aux besoins énergétiques et logistiques du projet, en permettant notamment le transport du matériel à vélo et en évitant toute contrainte de poids et d’encombrement.

DÉFI NUMÉRO 3 : UNE AUTONOMIE LOGISTIQUE

Pour boucler la réflexion sur la cohérence éthique et environnementale du spectacle, nous avons considéré que la mobilité bas carbone serait une priorité pour nous, avec l’usage dès que possible du vélo sur les derniers kilomètres entre les dates.

Cela implique bien sûr des discussions sur la mobilité du matériel en plus de la mobilité des personnes, et de ces discussions est née l’idée de Pop-Up Box : des remorques à vélo polyvalentes (remorques, valises, table de jeu et caisson de diffusion sonore) que nous avons prototypé et testé.

Ces questions soulèvent des enjeux sociétaux sur les ressources, la mobilité, l’énergie. Elles rassemblent autour de nous des acteurs comme l’Atelier Arts Sciences, le Low-tech Lab, des entreprises comme Delta T° Conseils, Shark Amp’s, Kitewinder, des chercheurs issus de l’INPG, du CEA, du CNRS, et un nombre grandissant de passionnés à travers la France.

Oniri 70 est un projet atypique à 360°, à la fois artistique, technique, social et écologique. Nos prototypes nécessitent encore des moyens de recherches et de développement (résidences techniques, collaborations scientifiques, ateliers de recherche …) et de l’itération pour être également utilisables par d’autres acteurs.

Ainsi, la création sera toujours en résidence technique et artistique en 2021-2022, tout en poursuivant des tournées de territoires mêlant représentations et ateliers pédagogiques.

Revue de presse

Le Monde / 12 juillet 2020 – Frédéric Potet

Mouvement né dans les années 1970, avec l’objectif de développer la pratique du vélo, la vélorution serait donc en marche. La crise sanitaire a démultiplié l’engouement pour la bicyclette, devenue l’emblème et l’outil des nouvelles politiques de transport et de protection de l’environnement. Partout, il n’est désormais question que de pistes cyclables, de véloroutes, de par­kings­ relais, de garages dédiés, de primes à l’achat, de flottes de vélos cargos… Jamais la petite reine n’avait été à pareille fête, au point qu’il paraît difficile, à l’avenir, de monter un projet, de quelque na­ture que ce soit, sans accorder une place à cette idole des temps modernes et perturbés.
Au Mans, une compagnie artistique donne l’exemple. Créée il y a dix ans, Organic Orchestra a com­mencé, jeudi 9 juillet, dans le cadre du festival Les Soirs d’été, une tournée où le vélo occupe un rôle­ clé : l’engin sert non seule­ment de moyen de transport aux artistes et techniciens, ainsi qu’au matériel, rangé dans des caisses fixées à des remorques, mais aussi de générateur électrique au dispositif installé sur scène (musique, lumière, vidéo).

Rendue possible grâce à des bat­teries et à des panneaux solaires accrochés à même les cycles, l’autonomie énergétique est la rè­gle d’or d’Oniri 2070, le dernier spectacle d’Organic Orchestra, une plongée sonore et visuelle dans ce que sera la vie d’ici un demi­ siècle sur un archipel imaginaire.

Le projet est le grand chantier de Vincent Tchaïbi, alias Ezra, 36 ans, l’un des principaux activistes, en France, du human beatboxing, discipline vocale consistant à imi­ter le son d’instruments de musi­que avec sa bouche. Que ce soit avec ses propres créations ou pour accompagner d’autres chan­teurs (Camille, Wax Tailor), le mu­sicien a multiplié les tournées, ces dix dernières années. « Avec sou­vent beaucoup de route entre cha­que représentation, raconte­-t-­il. Dans le domaine de la musique ac­tuelle, les dates de concert sont ra­rement rassemblées géographi­quement. Il m’est également arrivé de faire un aller­-retour au Japon sur 48 heures pour jouer deux fois. J’ai cru pertinent de requestionner ce modèle de tournée. »

En 2018, la petite troupe – où fi­gurent une chanteuse et docu­mentariste (Juliette Guignard), un vidéaste (Alexandre Machefel) et un technicien­ ingénieur (Kevin Loesle) – s’était rendue de Brest à Nantes à bord d’un voilier. Fort d’un matériel léger et transporta­ble, le groupe s’était alors produit une dizaine de fois dans les îles du Ponant. Adapté au vélo cette année, le projet a gagné en so­briété énergétique : chaque représentation a ainsi été pensée pour consommer la valeur symbolique de 1 kWh, soit l’équivalent d’un cycle de lave­ linge.

Le concept a ses limites, évi­demment. La capacité des batte­ries restreint à une heure et quart la durée du spectacle et à cent le nombre de spectateurs pou­vant y assister confortablement. « Mais c’est très bien ainsi, pour­suit Ezra. Le but est de pouvoir jouer dans des lieux insolites, diffi­ciles d’accès, en petit nombre et en totale autonomie. » En 2019, la compagnie s’est produite au mi­lieu d’un bois, à l’occasion d’une résidence dans le Vercors.

Au Mans, ces jours­-ci, elle s’est installée sur un terrain de sport et dans la cour de récréation d’une école. « L’idée est aussi de créer une bulle avec le public », explique Ju­liette Guignard, « narratrice » du spectacle par le biais d’enregistre­ments sonores réalisés en amont, dans lesquels revient le thème des mobilités du futur.

Pour leur propre mobilité, ces fantassins anticarbone ont acheté des VTC d’occasion qu’ils ont ensuite équipés de kits électriques d’aide au pédalage. Mais pas question d’en abuser, sous peine de se retrouver avec des batteries à plat, les soirs de spec­tacle. Les grands déplacements – par exemple entre Le Mans et Saint­Malo, où ils doivent se pro­duire du 15 au 17 juillet – se feront à bord d’un van, équipé d’une re­morque pour les vélos.

Economiser les corps

Tous les autres trajets – d’un quar­tier à l’autre, où spectacles et mé­diations diverses sont générale­ment organisés – s’effectueront en revanche sur deux roues, à la force du jarret, à raison de 25 kilo­mètres par jour. A l’instar des bat­teries, les corps devront veiller à s’économiser : « Nous devons gar­der à l’esprit que notre métier est le spectacle vivant, pas le sport », souligne Alexandre Machefel, le vidéaste, adepte de créations vi­suelles en temps réel. Une partie de plaisir vélocipédique attend les artistes­ cyclistes, mi­-août : les 11,4 kilomètres et les 800 mètres de dénivelé séparant Grenoble du Sappey­ en ­Chartreuse (Isère), où ils doivent se produire.

Mais tout écosystème a un prix.

« L’idéal serait de monter une tour­née où nous ferions tout à vélo, en supprimant le van, indique Ezra. Ce n’est malheureusement pas toujours nous qui décidons des da­tes et des lieux. On a bon espoir d’y arriver l’an prochain, en Breta­gne. » L’usage du TER pourrait être une alternative : conçues par l’ingénieur du groupe, les caisses fourre­-tout – à la fois valises, cais­sons de basse, supports d’éclai­rage et tables où poser l’appareillage électronique de création – respectent en effet la taille des ba­gages recommandée par la SNCF.

Organic Orchestra finira sa tour­née en novembre, à Liège, en Bel­gique. Liège, où, en 1986, le chan­teur et poète wallon Julos Beau­carne avait créé une série de spectacles restée dans les mé­moires : assis sur des vélos reliés à une mini­centrale électrique, 105 spectateurs devaient pro­duire chaque soir, en pédalant, l’énergie nécessaire aux représen­tations. Julos Beaucarne fut l’un des premiers « vélorutionnaires », dans la période post­ 68. En 1986, les membres d’Organic Orchestra n’étaient pas nés, à l’exception d’Ezra, qui avait 2 ans. Il faut par­ fois du temps aux révolutions pour advenir.