Parfois des choses non choisies s’avèrent des voies intéressantes…
Dans ce spectacle de jonglage contemporain, avec technique, poésie et virtuosité, le circassien Martin Palisse raconte sa maladie. De celle qui asphyxie, de son incidence dans le rapport aux autres, dans les choix de vie, les postures… un portrait puissant et intime. Le metteur en scène David Gauchard, tel un sociologue ou un reporter capture la parole de Martin Palisse pour la mettre en scène en parallèle d’un acte de jonglage radical, fatiguant, endurant, lent puissant, un acte extrêmement physique.
Ainsi la musique intérieure de Martin, sa voix, son souffle accompagnent ce parcours dans une tension permanente qui devra être explorée, dépassée par un acte physique libérateur et sauvage. Avoir recours à l’art et à la légèreté pour (sur)vivre.
Depuis que je suis né je négocie
Je négocie avec la vie
Je négocie un tas de détails
Je crois que j’ai fini de négocier
Je vais donc arrêter de ne pas parler
Je vais dire pourquoi et comment
Qu’est-ce qui me tient ?
Le jonglage ?
La peur de la souffrance ?
La vie à tout prix ?
je suis né avec la mucoviscidose, maladie génétique
c’est un héritage
j’avais une chance sur 4, c’est tombé sur moi
je ne suis pas programmé comme tout le monde
je suis delta F 508 homozygote, déformation sur le gène numéro 7
dit comme ça c’est toujours abstrait à 39 ans
je sais ce que ça entraîne concrètement sur mon corps
c’est particulier de voir comment le savoir s’énonce, mon savoir de la maladie, savoir de l’expérience, et le savoir médical de l’observation et des études
je suis dépisté anténatal
cela signifie que mes parents et le milieu médical savent avant moi
c’est mieux pour être traité dès la naissance
mais c’est aussi ce qui créé une tension, ils savent ce que j’ai que je ne sais pas et ils décident beaucoup pour moi, mais moi je subis et porte la maladie et je suis pendant un temps dépossédé.
J’ai très mal vécu cela
mon père dit que je n’ai jamais été petit
je ne sais pas ce qui pèse le plus sur moi aujourd’hui
les symptômes de la maladie ou toutes les conséquences d’être une personne malade
j’ai le sentiment que ma maladie a déterminé presque tout dans ma vie
En 1989, les scientifiques comprennent que c’est l’altération de la protéine CFTR qui est à l’origine de la maladie
Il y a deux grands symptômes : pulmonaire et digestif
Dans mon cas je connais les deux symptômes, sans qu’aucun n’ait de manifestation sévère
Une chance dans l’affaire
Je me dis parfois que cette histoire est même une chance tout court
J’ai une vms de 63%
Pour la plupart d’entre vous c’est 100%, ou très proche
C’est peut-être grâce à ma maladie que je me suis toujours battu, toujours investi au maximum
Il y a eu des moments où je l’ai aimé ma maladie, elle m’aidait à choisir vite
Je pense souvent à la mort, depuis tout petit
C’est un souvenir ancré loin dans ma mémoire
J’ai envie de pouvoir choisir ma mort
Je l’imagine toujours belle
Quand c’est dur, je réfléchis et je choisis toujours la vie
Là il faut se battre
Il faut que j’arrête de me battre pour vivre et simplement que je vive
Je ne sais pas si c’est possible
Il y a toutes les visions que je refuse
Porter un masque c’est très humiliant pour moi
Il ne faut pas perdre de temps
Pas le temps de se plaindre
Plus le temps de négocier
Création les 13, 14 et 15 août 2021 aux Multi-Pistes / Le Sirque, pôle national cirque de Nexon
Genre : cirque
Durée estimée : 1h20
—
Production > L’unijambiste
Diffusion > La Magnanerie
Production exécutive > Le Sirque, Pôle National Cirque, Nexon, Nouvelle Aquitaine
Soutiens > Les SUBS, Lieu vivant d’expériences artistiques, Lyon – L’OARA, Office Artistique de la Région Nouvelle Aquitaine
www.lesirque.com
La Terrasse / 26 mai 2024 / Nathalie Yokel
Alter1fo / 14 avril 2023 / Lisenn
Retour sur Mythos : Time to tell ou jongler avec la vie
Etre retourné.e et captivé.e à la fois, le temps d’une petite heure dans cette église sépulcrale du Vieux St Etienne : voilà le résultat de Time to tell, un spectacle de Martin Palisse de la Cie L’Unijambiste, présenté durant le festival Mythos édition 2023.
Martin Palisse arrive un peu hagard sur ce plateau blanc rectangulaire, futur terrain de jongleries ; il prend le temps d’observer le public avant d’y poser délicatement les pieds. Puis il raconte son histoire la plus intime, son héritage génétique, son chromosome 7 en anomalie, sa mucoviscidose. Il en fait la démonstration grâce aux balles de jonglage unicolore et bicolore : un cours d’ADN en pratique !
Un vinyle sur la platine et il s’élance sur une ligne imaginaire au centre du plateau blanc, ne quittant jamais des yeux cette boule de jonglage sombre, son étoile noire. Chorégraphie délicate et en équilibre au son de sa voix enregistrée qui narre son quotidien de malade. Martin Palisse dévoile des détails très personnels de sa vie, tout en jonglant avec poésie et délicatesse.
La luminosité s’assombrit et on plonge avec lui… Beaucoup d’humour (noir) sur l’hôpital, ses étiquettes, ses couloirs et ses grands professeurs : « J’étais juste un malade ». Et trois balles blanches qui passent d’une main à l’autre avec une grâce et une dextérité déconcertante.
Les vinyles s’enchaînent, les changements de rythme aussi. Pleine lumière sur le dance-floor avec « F*ck They» de SOFI TUKKER et des décibels qui résonnent haut et fort dans cette église déconsacrée. Martin Palisse jongle, le souffle court, la respiration sous contrôle. Une chorégraphie toute en accélération, comme une fuite dans le temps, une lutte envers et contre le souffle, contre les désagréments de la mucoviscidose. Une course contre la montre, contre la « date de péremption » accordée par la science et la médecine. Il jongle, avec les traitements et les effets secondaires, avec la gratuité de ce nouveau médicament expérimental, il jongle en courant autour de ce plateau blanc, de plus en plus vite… Il teste ses limites et les nouvelles potentialités offertes, il a dépassé la date de péremption, il jongle avec le futur, son futur.
« Je ne m’interdis pas de vivre » : et c’est en valsant, tel un danseur de transe, qu’il décrit au public, non sans un certain humour acerbe, le test de l’EFR à l’hôpital et sa performance de 61%. Le témoignage donne le tournis, les chiffres et cette maladie aussi. Mais tant qu’on jongle, on reste en vie ! Martin Palisse tourne sur lui-même à en perdre haleine, balles de jonglage posées sur ses poignets… Le derviche tourneur de la jonglerie nous fait aussi tourner la tête et nous entraîne dans son tourbillon cathartique.
Une très belle leçon de vie, d’humilité, de grâce et de dextérité. On quitte le théâtre tout ému.e par ce moment suspendu. (Et on jalouse celles et ceux qui auront la chance le lendemain de participer à un atelier de jonglage avec l’artiste. On aurait vraiment aimé en faire autant !)
Théâtre(s) / Automne 2022 / Tiphaine Le Roy
La vie / 1er septembre 2022 / Claudine Colozzi
Martin Palisse, les balles pour le dire
Dans Time to Tell, il joint le geste à la parole en repoussant très loin ses capacités respiratoires, livrant une proposition unique qui bouscule autant qu’elle impressionne.
Wanderer / 25 juillet 2022 / Thierry Jallet
Être au présent
Alors que le spectacle s’achève, que les saluts – y compris aux propres balles du jongleur – ont été accompagnés d’applaudissements très nourris, on repense au titre du spectacle. Le moment de dire. On perçoit toute la profondeur de la réflexion à la fois artistique et philosophique engagée ici conjointement par Martin Palisse et David Gauchard. Et on se dit que ce moment de confidence d’un artiste accompli, cette forme de « friction entre le récit et la physicalité du jongleur » constitue une méditation joyeuse rejoignant la pensée de Montaigne qui écrit dans les Essais que « tout ce qui peut être fait un autre jour peut être fait aujourd’hui ». Et ce, comme Martin Palisse sans aucun doute, en étant au présent.
Télérama / 22 juillet 2022 / Emmanuelle Bouchez
TTT – COUP DE COEUR DU OFF
Politis / 14 juillet 2022 / Anaïs Heluin
Martin Palisse cisèle l’épure
L’art et la vie, fragile, se livrent à un tête-à-tête sans concession ni afféterie. Dans ce récit, Martin Palisse retrouve ainsi la ligne droite, l’épure qu’il défend depuis ses débuts. Sa recherche sur le temps, qui presse et oppresse, fait avec Time to Tell une grande avancée.
L’Oeil d’Olivier / 9 juillet 2022 / Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Martin Palisse, jongleur en apesanteur
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être jongleur, artiste de cirque, metteur en scène ?
Je ne pense pas avoir réellement choisi, je garde toujours l’idée que le jonglage m’a choisi. Mais je sais que quand je jongle, j’ai cette sensation rare que mon corps et mon esprit ne font qu’un et travaille à haut niveau. C’est une forme d’extase.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Dur de n’en retenir qu’un, alors j’en dirai deux : Enfants de Boris Charmatz à Avignon et Sad Face / Happy Face de Jan lauwers au théâtre Sylvia Monfort.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Clara Villechaise, Halory Goerger, David Hermon alias Cosmic Neman, David Gauchard, Jérôme Thomas et Peggy Donck. Toutes ces personnes m’ont fait devenir qui je suis.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Le monde et toutes les injustices qu’il contient me révolte, parfois, j’ai la sensation que mon travail me permet de ne pas sombrer. C’est un sens à la vie qui n’en a pas réellement.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les saisons, tous les cycles de la vie, de la nature, les contradictions humaines. J’aime observer les antagonismes quand j’en remarque.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
C’est une forme de combat, je suis malade et je sais que c’est mon antidote. J’ai beaucoup pratiqué le judo, et rentrer sur scène est presque comme rentrer sur un tatami. C’est transcendantale.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Par-dessus tout la musique et les musiciens sont essentiels dans mon travail…. Alors ce sont des noms de musicienn.e.s/groupes qui me viennent : God speed you ! , Colin Stetson, Georges Theodorakis, Robert Aiki Aubrey low… Mais il est vrai qu’en danse, j’aimerai travailler avec le chorégraphe italien Alessandro Sciarroni.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Jouer dans un film de Werner Herzog.
i/o Gazette / 8 juillet 2022 / Mathieu Dochtermann
La Terrasse / 22 juin 2022 / Agnès Santi
AVIGNON 2022 – GROS PLAN
Martin Palisse révèle au cours de ce spectacle le combat qu’il mène depuis l’enfance contre la mucoviscidose. En collaboration avec David Gauchard, il transcende la lutte, il célèbre le jonglage et le présent du plateau.
Comme l’indique son titre, cette pièce marque une rupture, actée par l’avènement d’une prise de parole personnelle. Une prise de parole dévoilant l’intime, qui en cela semble contredire l’abstraction et l’attachement aux structures géométriques et musicales qui caractérisent la démarche artistique de Martin Palisse. Et cependant, loin de toute volonté de s’exposer et de raconter son histoire, cette prise de parole dépasse le cas Martin Palisse pour rendre compte d’enjeux universels, liés au rapport au temps et à la finitude, liés à la pratique du jonglage, qui de fait inscrit l’artiste dans le présent, dans le faire. « Jongler est pour moi un étirement du temps, une pratique me permettant de me projeter dans le temps sans craindre la peine de l’existence » dit-il.
Créer, c’est fuir les peines de l’existence
Car ce que l’artiste révèle dans ce spectacle, c’est qu’il est atteint depuis toujours de la mucoviscidose, une maladie génétique qui transforme le quotidien en combat permanent, même si heureusement la science avance. Le metteur en scène David Gauchard l’a aidé en capturant sa parole, en mettant en scène sa restitution, en direct ou par voix enregistrée. Martin Palisse a choisi un dispositif bi-frontal, ménageant un espace de jeu semblable à un couloir d’hôpital, entre obscurité et surexposition. Le jongleur remarquable qu’est devenu Martin Palisse impressionne, il offre un spectacle épuré, intense, millimétré, qui s’élève contre le fatalisme et le handicap. Laissant de côté autant que faire se peut la lutte, il jongle, il célèbre par son souffle et son langage la vie autant que la création.
Le Monde / 4 mars 2022 / Rosita Boisseau
La thématique de l’intime s’infiltre sous le chapiteau
Dans un autre registre, Alice Barraud, voltigeuse, gravement mitraillée aux bras lors des attentats du 13 novembre 2015, tisse le récit de son retour difficile sur la piste dans MEMM. Au mauvais endroit, au mauvais moment. Quant à la question du genre, elle est convoquée, notamment, dans la pièce Dicklove, par l’acrobate au mât chinois Sandrine Juglair, qui joue « une femme qui est un homme qui veut devenir une femme… » Elle sera à l’affiche du Festival d’Avignon dans le cadre de Vive le sujet !, avec Julien Fanthou, alias Patachtouille, du cabaret de Madame Arthur.
Ouest France / 9 février 2022
S’accrocher aux choses, pour se sentir vivant. Profiter, pour ne pas laisser le temps filer. Se défier, juste pour exister.
Plutôt que d’attendre que l’orage passe, Martin Palisse a décidé d’apprendre à danser sous la pluie ou plutôt sous les balles… Accompagné à la mise en scène par David Gauchard, il nous propose un spectacle de jonglage, puissant et sensible lové au cœur d’un dispositif bi-frontal. Avec technique, poésie et virtuosité, il jongle entre paroles et balles. Parce que le jonglage est son langage, celui qui lui permet d’étirer le temps. Parce que du temps, Martin n’en a pas. Alors, il vit chaque seconde en courant des sprints au ralenti. Time to tell est le portrait intime et captivant d’un jongleur mélomane. C’est un acte de résistance, de combativité et d’espoir mais surtout une incroyable preuve de créativité face à la maladie. Aussi attachant que fascinant !
Mag Centre / 21 février 2022 /Elodie Cerqueira
« Le jongleur ne doit pas se contenter de montrer ce qu’il sait faire, il doit montrer ce qu’il est ! »
dansesaveclaplume.com / 2 janvier 2022 / Amélie Bertrand
Bilan 2021 de la Danse : le Top 5 de la rédaction, Top 5 d’Amélie Bertrand
io Gazette / 3 novembre 2021 / Mathieu Dochterman
CIRCA : le cirque contemporain riche de sa diversité
(…) Le paroxysme du dialogue entre spectaculaire et réalité est sans doute atteint quand l’écriture a une dimension autobiographique, et que l’artiste se présente au public comme portant sa propre histoire. Deux des meilleurs spectacles de cette édition, sinon les meilleurs, étaient dans cette veine. “Time to tell” de Martin Palisse et David Gauchard met à l’épreuve le corps du premier, tandis qu’il explique au public comment sa vie et sa pratique artistique doivent composer avec la maladie qui l’atteint, la mucoviscidose. Une proposition brute, courageuse, sincère, qui spectacularise un vécu pour l’offrir à l’empathie du public. Dans ce genre de spectacle, tout tient à la capacité de l’interprète de se mettre à nu, de trouver un endroit de dépouillement où les accents de vérité vont, justement, créer une résonance chez les spectateurs. (…)
Chroniques culture / 17 octobre 2021 / Odile Cougoule
(…) C’est le cas avec Time to Tell création 2020 du jongleur Martin Palisse et du metteur en scène David Gauchard. Banal de dire que ce spectacle est libérateur pour l’artiste. Banal d’écrire les balles l’ont aidé à vivre, les balles l’aident à dire. Mais il s’agit bien pour Martin Palisse, que l’on connaît depuis quelques années à travers ses créations, de se livrer et de dire ce qui a constitué sa vie : la maladie (la mucoviscidose), le jonglage et le temps qu’il sait « compté »… Le calme et la patience de l’artiste nous saisissent tout au long du récit, la patience avec ses balles qui tombent parfois, avec cette vie qui lui échappe. Être malade s’est appréhender au quotidien l’art de la chute, la sentir dans son corps et jouer avec elle une partie difficile…
Dans le vaisseau structure en dur qui a remplacé le chapiteau fondateur du cirque à Nexon, dont la définition recrée un espace théâtral plus traditionnel, le public est installé en bi-frontal libérant un espace central, un couloir entouré de néons. Tee shirt et short noirs, tatouages et oreillettes, assis sur une boite Martin Palisse 40 ans, face au micro, commence son récit, celui de sa vie. Le dispositif est simple, il n’est pas question ici de démonstration technique -3 balles accompagnent cet autoportrait et un jonglage minimaliste se développe sur la durée- ni de construction d’un univers esthétique dernier cri animé par une musique électro ou un DJ à la mode. Coté son, l’association platines – vinyles disposés par terre – micro suffira. Et pourtant le jonglage est là, balles blanches, balle noire (sa maladie ?) le corps se meut dans une précision articulaire remarquable. Les allers – retours sur la piste toute en longueur se succèdent, tout en jonglant l’artiste raconte, l’artiste et sa famille, l’artiste et ses voyages, l’artiste et ses médicaments, les visites à l’hôpital…Les balles n’obéissent pas toujours, mais un équilibre sur une jambe et tout se remet en place… Jongler avec elles, avec la maladie, avec le temps, accepter cet entre deux du connu – inconnu !
Le jonglage impose le temps de l’autre « la balle », semble nous dire Martin Palisse comme la maladie oblige à accepter son temps à elle que nous ne maitrisons pas. Leçon de vie ? Non juste un constat « tant que je jongle je suis vivant ».
Ce récit, diffusé à partir d’enregistrements ou porté par la voix de l’artiste, n’a rien d‘impudique, il retrace avec honnêteté un parcours dans un monde que nous connaissons mal, celui de la maladie, du malade et de l’hôpital; un parcours aussi exigent qu’un parcours d’artiste avec toutes ses attentes, ses surprises et ses déconvenues. Un parcours au cours duquel se pose sans cesse la question du nécessaire et du contingent…
La musique est là pour nous guider dans cette mise à nu. De vinyles en vinyles on découvre ses passions : Quentin Rollet – Thierry Muller, Throught the looking glass, les sons pop rock des années 70… La grande course sur du free jazz nous émeut.
David Gauchard auteur de la mise en scène a travaillé en étroite collaboration avec Martin Palisse et leurs entretiens enregistrés forment la trame du spectacle. Sa présence aux représentations est là pour canaliser le récit. Dans ses oreillettes Martin s’entend raconter, exercice peu facile mais fondateur d’une vérité au plateau.
Avec ce spectacle on comprend mieux la froideur de ce corps tout en tensions dont jusqu’à présent le mélange d’habilité et de maladresse étonnait et la distance et la retenue qui ne sont en rien des postures.
Avec Time to Tell Martin Palisse et David Gauchard dépassent le principe de la simple autofiction pour réveiller en chacun de nous des parcelles de vie porteuses de sens.
La Terrasse / 26 septembre 2021 / Sarah Meneghello
Radical mais nécessaire, cet acte de jonglage est un récit de vie, celle d’un homme fuyant la peine de son existence. Il est mis en scène par David Gauchard, qui a su capturer la parole, rare, de Martin Palisse.
Assis, micro à la main, ce dernier se livre. Sa parole enregistrée prend aussi le relais du live. Pour la première fois, il aborde son rapport physique à la maladie, l’incidence de la mucoviscidose dans ses choix de vie, sa pratique du jonglage, son rapport aux autres. Mais Martin Palisse n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Dans un couloir étroit, blanc, dans l’obscurité ou surexposé, il avance, coûte que coûte. Il détaille les contingences jusque dans les moindres détails : symptômes, bilans, médicaments, phobie des aiguilles, regards condescendants… L’envie de tout envoyer balader est trop forte. Comment donc envisager le futur ? Les balles tombent. Qu’importe ! Il maîtrisera l’immobilité. Il a peur de la mort ? Plus le temps de négocier !
Urgences
Martin Palisse ne cesse d’explorer le rapport au temps. Endurante, lente, puissante, sa prestation – innovante et extrêmement physique – témoigne de son combat. De l’urgence de créer et de témoigner aussi. Devenu une langue, son art relie Martin Palisse à la vie. C’est son moteur. D’ailleurs, le spectacle s’appuie beaucoup sur deux actions du corps simultanées : marcher et jongler. L’ensemble de son œuvre est aussi intimement lié à la musique (minimaliste, rock, électronique) comme support premier de son discours jonglistique : rigoureux, souvent épuré. Entre les séquences, changer le disque sur la platine permet de souffler, autant lui que nous, car l’épreuve est partagée. Si l’artiste se dévoile, il ne laisse aucune place à l’émotion. Froide, l’approche s’appuie sur un dispositif clinique : des néons dessinent efficacement l’espace et les contours de cet homme, dans une tension permanente, en osmose avec ses balles. Entre résignation, révolte et adaptations, sa musique intérieure, sa voix blanche, sa respiration accompagnent ce parcours jalonné de lignes, courbes et motifs géométriques. L’aspect répétitif des mouvements hypnotise, jusqu’à l’acte physique libérateur et sauvage. Le particulier accède à l’universel. A bout de ses forces, Martin Palisse avoue avoir foi dans la science. Quoi qu’il en coûte.
Les Trois Coups / 18 août 2021 / Léna Martinelli
Le Populaire du Centre / 14 août 2021 / Muriel Mingau
Télérama Sortir / 7 au 13 avril 2021 / Stéphanie Barioz
TTT
« Time to tell », la créativité du jonglage face à la maladie
Sceneweb.fr / 14 novembre 2020 / Anaïs Heluin
Martin Palisse jongle comme il respire
L’Oeil d’Olivier / 14 novembre 2020 /Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
L’autoportrait jonglé de Martin Palisse par David Gauchard
Le Populaire du Centre / 1er septembre 2020 / Muriel Mingau
Un propos fort, intemporel, universel et actuel
représentations
CRÉATION
13, 14 et 15 août 2021 Multi-Pistes / Le Sirque, pôle national cirque de Nexon
DIFFUSION
Saison 24-25
7 novembre 2024 Le Gallia, Théâtre de Saintes
14 novembre 2024 Centre culturel de Villard-Bonnot
29 et 30 novembre 2024 Halles de Schaerbeek, Bruxelles
10 au 12 décembre 2024 L’Appolo à Boucau, Scène nationale du Sud Aquitain
28 au 30 janvier 2025 Le Tangram, Scène nationale d’Evreux
2 et 3 avril 2025 Théâtre d’Angoulême, Scène nationale
Saison 23-24
9 et 10 septembre 2023 Festival Village de Cirque, Coopérative de Rue et de Cirque 2r2c, Paris
23 et 24 septembre 2023 Festival Jours et nuits de cirque(s), Centre International des Arts en Mouvement CIAM, Aix en Provence
13 et 14 octobre 2023 Théâtre de La Coupe d’Or, Rochefort
17 au 25 novembre 2023 Au fil du Tarn, Scène nationale d’Albi Tarn
18 et 19 décembre 2023 ScènOgraph – Théâtre de l’Usine, Saint Céré
29 et 30 décembre 2023 Circumnavigando, Festival Internazionale di Circo Teatro, Gênes (Italie)
17 et 18 janvier 2024 L’Hectare – Territoires Vendômois, Centre National de la Marionnette
25 janvier 2024 Le Petit Echo de la Mode, L’Hermine, Plouha
26 janvier 2024 Quai des Rêves, Lamballe
30 et 31 janvier 2024 Le PALC, Pôle national cirque, Châlons-en-Champagne
8 et 9 février 2024 Théâtre de Cusset
12 et 13 février 2024 Centre culturel Aragon, Oyonnax
14 et 15 février 2024 Quai des Arts, Rumilly
21 mars 2024 Théâtre du Rossignolet, Loches
26 et 27 mars 2024 Les Quinconces & L’Espal, Scène nationale, Le Mans
3 au 5 avril 2024 Le Grand R, Scène nationale de La Roche-sur-Yon
7 mai 2024 Le TCM, Théâtre de Charleville-Mézières
14 et 15 mai 2024 L’Archipel, Scène nationale de Perpignan
21 au 24 mai 2024 La Coursive, Scène nationale de La Rochelle
5 au 8 juin 2024 TSQY, Scène nationale de Saint Quentin en Yvelines
Saison 22-23
2 et 3 septembre 2022 Festival Coup de Chauffe / L’Avant-Scène, Cognac – scène conventionnée
4 octobre 2022 Le Vellein, scènes de la CAPI
9 et 10 novembre 2022 Ay-Roop, Rennes – Scène de territoire cirque dans le cadre de sa saison [Nouvelles Pistes]
12 et 13 novembre 2022 La Nuit du Cirque / Le Carré Magique, Pôle national cirque à Lannion
6 et 7 décembre 2022 Le Sirque, Pôle national cirque de Nexon
9 et 10 janvier 2023 Equinoxe, Scène nationale de Châteauroux
17 et 18 janvier 2023 Festival Circonova / Théâtre de Cornouaille, Scène nationale de Quimper
22 et 23 février 2023 Théâtre Le Liburnia, Libourne
24 février 2023 Larural, Créon
31 mars 2023 L’Astrada, Marciac
3 et 4 avril 2023 Le Dôme Théâtre, Albertville
11 avril 2023 Festival Mythos / Théâtre du Vieux St Etienne, Rennes
13 avril 2023 Rencontre des jonglages / Maison du théâtre et de la danse, Epinay-sur-Seine
14 avril 2023 Rencontre des jonglages / Maison des jonglages, La Courneuve – scène conventionnée
21 et 22 avril 2023 Festival Prise de Cirq’ / Théâtre Mansart, Dijon
4 et 5 mai 2023 Le Moulin du Roc, Scène nationale de Niort
26 et 27 mai 2023 Le Cirque-Théâtre, Pôle national cirque d’Elbeuf
6 et 7 juillet 2023 Festival MIMOS, Périgueux
Saison 21-22
2 octobre 2021 Le Manège, Scène nationale de Maubeuge
25 au 27 octobre 2021 Festival du Cirque Actuel / CIRCa Pôle national cirque, Auch
9 et 10 novembre 2021 Ma Scène nationale, Montbéliard
2 et 4 décembre 2021 L’Eden, A4 – spectacle vivant en Vals de Saintonge, Saint-Jean d’Angély
13 et 14 janvier 2022 Le Prato, Théâtre International de Quartier, Pôle National Cirque de Lille
4 février 2022 Centres Culturels Municipaux de Limoges (ANNULE)
15 au 17 février 2022 Théâtre d’Orléans, Scène nationale
3 et 4 mars 2022 Théâtre Jean Lurçat, Scène nationale d’Aubusson
3 et 4 juin 2022 Lieu de fabrique, Cie Happés, Aigues-Vives
8 au 23 juillet 2022 (relâches les 13 et 20) à 11h55 Avignon OFF / La Manufacture – Patinoire
Saison 20-21
3 juillet 2021 Festival Les Fantaisies Populaires, Cenne-Monestiès / Avant-première
L’exploration du temps traverse mon œuvre depuis plusieurs années. Je souhaite à travers cette pièce révéler par le récit l’origine de ce rapport particulier que j’ai au temps tout en confrontant ce récit à ma pratique de jongleur. Je souhaite ainsi révéler comment cette origine a bien évidemment totalement façonné ma pratique.
Je suis né le 04 janvier 1981, atteint d’une maladie génétique sévère et rare, la mucoviscidose.
Il y a un trouble dans le fait d’être malade génétiquement, parce qu’on ne « tombe » pas malade mais on est programmé génétiquement différemment, et donc malade. Cela s’opère avant la naissance, au moment de l’encodage génétique. C’est un héritage. Mais c’est aussi un hasard dans la grande loterie de l’ADN. Le destin, ce mot prend alors un sens tout particulier.
Mon père dit que je n’ai jamais été petit. Le fait de naître atteint d’une maladie modifie puissamment le comportement des adultes vous entourant et donc par ricochet le vôtre. Mon rapport à la mort, à la finitude, a déterminé puissamment qui je suis et comment j’ai agi. J’ai grandi avec une sorte d’obsolescence programmée. J’ai développé une lutte, souvent souterraine, pour ne pas plier sous le poids du destin annoncé.
Actuellement, je suis entré dans une période de ma vie particulière, j’ai dépassé l’espérance de vie moyenne, qui plus est en bonne santé et à l’heure où la science vient de faire un pas en avant notable dans la prise en charge de la maladie, ce qui me donne une perspective temporelle pas vraiment anticipée. Je commence à agir sans me soucier de la finitude, comme si une sorte de course se terminait. J’ai cessé de penser à la mort quotidiennement. Je sens mon corps vieillir et non pas régresser ou s’atrophier.
Autant de perspective qui m’amène à re-questionner le rapport entre mon travail artistique et ma condition d’homme malade, handicapé.
Je souhaite à travers cette nouvelle pièce faire récit de ce parcours, énoncer mes choix, mes peurs, mes douleurs au regard de ma singularité. Ce récit je veux le mettre en scène, en parallèle d’un acte de jonglage radical, fatiguant, endurant, lent, puissant, un acte physique poussant mon souffle, ma respiration jusqu’à l’asphyxie.
L’asphyxie, le manque d’oxygène, c’est une sensation que l’on connaît très vite avec cette maladie, il y a de grande chance que la mort soit due à une sorte d’asphyxie puisque le système respiratoire s’atrophie de manière inéluctable du début à la fin.
J’ai toujours tenu pour quasi secret ma maladie, fuyant la condescendance, la complaisance, ne voulant pas être jugé ou considéré à partir de cette particularité. Je mesure néanmoins de plus en plus l’erreur de cette mise à distance permanente. Je choisi aujourd’hui de rompre avec cette posture, considérant qu’elle m’empêche désormais.
J’écris depuis de nombreuses années que « Jongler est pour moi un étirement du temps, une pratique me permettant de me projeter dans le temps sans craindre la peine de l’existence ».
A travers cette pièce je souhaite livrer le récit d’une vie, de la vie du jongleur que je suis devenu fuyant ainsi la peine de mon existence.
Il va de soi que la démarche de se raconter n’a d’intérêt que par le fait d’aborder des sujets qui me dépassent. L’ensemble de ce récit devra avoir une résonance, un écho au-delà de ma personne, il y a nécessité que mon histoire appelle à se confronter à des questions sociétales actuelles. C’est mon intention.
Dans cette perspective, il m’a paru décisif de partager fortement et dès le départ cet acte de création avec un metteur en scène, un homme de théâtre aguerri à la narration. C’est avec David Gauchard que je m’engage dans cette création.
Depuis plusieurs années, je croise régulièrement Martin Palisse dans les salles de théâtre. Souvent il vient voir mon travail. Me félicite. Et la réciproque est vraie. Si elle se présente, je ne manque pas une occasion pour suivre sa démarche. J’aime son rapport à l’image, à la musique, je me sens proche. Mais ce qui m’impressionne le plus c’est sa rigueur, sa radicalité et sa capacité à émouvoir, raconter des histoires sans aucune parole, juste quelques balles. J’avoue n’avoir jamais vraiment eu un faible pour le jonglage, mais dès POST et Slow Futur, le travail de Martin a changé mon regard sur cette discipline. Et définitivement quand j’ai découvert Il est trop tôt pour un titre lors du « sujet à vif » d’Avignon 2016. Sa collaboration avec Halory Goerger a été magique, une véritable rencontre entre deux grands artistes.
Depuis quelque temps, je pousse ma recherche loin des grands classiques, j’aborde le théâtre contemporain soit en passant des commandes d’écritures à partir d’une idée originale que je propose, soit en partant à l’aventure dans une quête de théâtre dit documentaire ou du moins du réel (L’île la réunion avec le conteur Sergio Grondin, la Corée du Sud avec le chorégraphe Sung Yong Kim ou encore chez les Inuit du Nunavik pour produire mon premier spectacle jeune public).
Ces derniers temps, à la manière d’un sociologue ou encore d’un reporter, je mène des enquêtes, micro- enregistreur à la main, je capture la parole, sa verve, sa fragilité et je travaille ensuite à mettre en scène une restitution brute, sans artifice, utilisant les principes de jeu à l’oreillette.
Martin m’appelle fin novembre, notre premier enregistrement a lieu fin décembre. J’ai embarqué.
Time To Tell est une pièce à part dans mon œuvre, elle marque une rupture tout en poursuivant mon effort esthétique pour faire coexister au plateau un acte jonglistique, plastique, physique et abstrait avec une volonté théâtrale, narrative. Nous rechercherons une friction tantôt évidente tantôt distante entre le récit et la physicalité du jongleur/acteur au plateau.
La rupture se situe dans le fait de faire enfin rentrer la voix, la parole, et ainsi renforcer ma volonté de narration.
David Gauchard, lors de nos premiers échanges, m’a proposé une méthode de travail pour capter mon témoignage. Nous allons réaliser plusieurs entretiens entre nous que nous allons enregistrer. Cette matière sonore, ce témoignage, sera traité et restitué sur scène. Plusieurs pistes sont envisagées pour la restitution et il est peu probable que nous nous contentions d’une seule. Nous procéderons à un montage de ces témoignages qui d’ailleurs seront conduits avec des thèmes (le rapport physique à la maladie // le rapport psychologique // l’incidence sur le rapport aux autres // l’incidence dans le quotidien // l’incidence dans les choix de vie, les postures… etc).
Cette matière sonore aura sa propre musique intérieure qui viendra se frotter à la musique de l’acteur sur scène. La voix, le souffle seront des matières centrales du processus de travail.
Je souhaite évoluer dans un dispositif bi-frontal.
Marqué par les couloirs des hôpitaux dans lesquels j’ai déambulé régulièrement depuis petit, je vais en quelques sortes m’en inspirer pour dimensionner mon espace de jeu. Long de 8 à 10 mètres, permettant ainsi la course, large de 4m, blanc au sol, le public installé sur gradin sera disposé de part et d’autre dans la longueur, fermant ainsi l’espace. Peu d’éléments seront sur scène, je recherche un dépouillement.
Le dispositif lumineux sera lui aussi minimaliste, et permettra un travail allant de l’obscurité à la sur-exposition. Le dispositif se situera dans les deux extrémités du « couloir ».
Le couloir, c’est le lieu des tests à l’effort que je passe tous les ans à l’hôpital, c’est le lieu d’où j’ai pu apercevoir la mort attendue de patients atteints de la même maladie dans des chambres, c’est le lieu par lequel j’ai rêvé m’échapper sans me faire prendre.
Le couloir il est étroit, tout blanc et il y règne une énergie étrange et inquiétante.
Le travail musical sera un mix entre le son du plateau, la voix (enregistrée ou live) et une musique minimaliste composée à base de drones. Il sera la traduction poétique de ce que l’on peut entendre dans le couloir des services des hôpitaux.
Je veux créer les conditions d’une tension permanente, comme anxiogène, qui devra être explosée, dépassée par un acte physique puissant, libérateur, sauvage. J’ai toujours traité cette maladie avec un peu d’ironie, de dérision, de légèreté.
Depuis très jeune, je suis très attaché à la règle suivante du code des samouraïs : « Traiter les choses graves avec légèreté, et traiter les choses légères avec gravité ». Je peux dire que j’ai appliqué cette règle entre ma maladie et le jonglage. C’est dans cet entre-deux que ce situera le contre point drôle et heureux de ce récit pour partie teinté de drame.
Le travail jonglistique restera dans la lignée de mon travail, s’appuyant ainsi sur un travail à 1, 2 et 3 balles en matière de jonglage. Seulement, il sera porté par un travail de déplacement continu dans l’espace, dans une tension entre lenteur et accélération, un travail très « cardio-vasculaire », poussant ainsi mes capacités physiques dans leurs retranchements.
Jongleur, auteur et directeur du Sirque, Pôle National Cirque de Nexon Nouvelle-Aquitaine
La découverte de la musique de phase, dite musique minimaliste, de Steve Reich et Terry Riley que lui avait fait découvrir Jérôme Thomas, est décisive dans l’orientation de son travail de composition jonglistique.
L’ensemble de l’œuvre de Martin Palisse est dès lors intimement lié à une utilisation presque radicale de la musique (qu’elle soit minimaliste, post-rock, électronique) comme support premier de son discours jonglistique : énergique, rigoureux, souvent épuré mais malgré tout très émotionnel. Son jonglage se développe ainsi sur des bases géométriques scéniques et sonores extrêmement développées et en adéquation permanente. Ces bases géométriques scéniques s’appuient sur deux actions du corps simultanées : marcher et jongler, qui recouvrent la dimension horizontale et verticale de l’espace-temps. La musique est très souvent jouée en direct lors des représentations ou performances, notamment avec le musicien Cosmic Neman avec lequel Martin Palisse collabore étroitement. Dans ses spectacles, Martin Palisse affronte les structures musicales avec sa pratique du jonglage.
Né en 1981, il n’a jamais aimé l’école et découvre le jonglage à l’âge de 17 ans, c’est une révélation pour lui et il décide de quitter l’école.
C’est avec Jérôme Thomas, son maître d’art, qu’il découvre la discipline de la jonglerie dès 2001. Grace à lui il aura également accès à l’enseignement de la jongleuse russe Nadejda Aschvits, du jongleur finlandais Maksim Komaro et du danseur Hervé Diasnas.
En 2002 il fonde avec Elsa Guérin le Cirque Bang Bang et œuvre avec elle à la création de spectacles jusqu’en 2015. Sous l’œil exercé de Phia Ménard, Ils créent Dans Quel Sens ? qu’ils joueront jusqu’en 2005, année où ils seront invités au Japon pour se produire à la Triennale Internationale d’Art Contemporain de Yokohama.
En 2006 ils entament définitivement un virage vers le Cirque en conceptualisant leur propre chapiteau dans lequel ils créeront Une Nuit sur Terre avec le musicien et compositeur Manu Deligne et la complicité de Johanny Bert à la mise en scène. Suivront deux autres pièces Body no Body (2009) et Somebody (2010).
En 2011, ils créent le spectacle POST et une digression, Blind/Action, spectacles qui marquent l’art de la jonglerie. Ils signent pour ces deux œuvres et les suivantes la mise en scène et la scénographie.
Martin Palisse devient le premier artiste nommé à la direction d’un Pôle National Cirque en janvier 2014. Dès lors son rapport temporel à la création se modifie. Il entame une réflexion sur la dualité metteur en scène/interprète dans le cirque contemporain.
Cette même année il sera invité à collaborer auprès de Jérôme Thomas pour la mise en scène du spectacle Over the Cloud, de la 26ème promotion du Centre National des Arts du Cirque. Il créera également une courte performance avec Elsa Guérin, Still life.
En 2015 il rencontre le groupe de musique français Zombie Zombie et les invite pour la création de Slow futur au festival Mettre en Scène du Théâtre National de Bretagne. En 2016, il crée avec Halory Goerger et Cosmic Neman (moitié du duo Zombie Zombie) Il est trop tôt pour un titre au Festival d’Avignon dans le cadre des Sujets à Vif ; et met en scène Hip 127 la constellation des cigognes à l’Opéra de Limoges, spectacle d’après l’œuvre jonglistique de Jérôme Thomas sur une composition originale de Roland Auzet dirigée par le chef d’orchestre Daniel Kawka.
En 2017, répondant à une commande, il met en scène et chorégraphie Entre Ciel et Terre, pièce pour quatre jongleurs sur le répertoire musical de Percu-temps de l’ensemble musical contemporain Ars Nova et accompagne Jean Lambert-Wild, metteur en scène, acteur et directeur du Théâtre de l’Union (CDN de Limoges) dans la création d’une calenture intitulée Le Clown du Rocher.
En 2019, il créé le spectacle Futuro Antico avec Cosmic Neman, mis en scène par Halory Goerger.
L’expérience de cirque ne se raconte pas, elle se vit. C’est une rencontre avec l’artiste de cirque, la dimension architecturale du cercle et les énergies qui peuvent l’habiter. Il faut savoir déconstruire le cercle pour le faire apparaître, c’est une condition paradoxale. La dramaturgie du cirque se situe dans la force nommée l’apesanteur, la gravité.
Je construis ma recherche théâtrale autour de ce que je nomme LE DRAME HUMAIN, le couple Attraction/ Répulsion. Cette nécessité de nous rapprocher autant que de nous éloigner, entre la naissance et la mort. Un mouvement perpétuel que nous observons bien au delà de nos propres existences et dont nous ne connaissons pas réellement l’origine. Néanmoins, je pense que notre capacité à nous confronter encore et toujours à ce mouvement cyclique nous informe sur notre capacité à faire société et sur notre énergie vitale et intime.
Les couples éloignement/proximité, attraction/répulsion et accélération/ralentissement, constituent le socle de la dimension dramaturgique et chorégraphiques des écritures que j’entreprends, que j’appelle motifs.
Le mariage de l’ordre et du désordre me passionne, que l’un produise ou perturbe l’autre ou que l’autre perturbe et produise l’un, ces deux notions sont évidemment intimement liées à la figure du carré et du cercle.
Il existe un couple Sacré/Jeu permettant de comprendre la vie humaine dans la mesure où le Sacré est vertical et le jeu horizontal.
Le Sacré porte en lui des valeurs, des qualités extérieures à lui-même qui supposent toujours une élévation vers le haut. Le Jeu au contraire est horizontal et trouve son sens en lui même (le but du jeu d’échec est la pratique du jeu d’échec). Le Jeu ne possède pas de valeurs mais des vertus. Le Jeu est social.
La théâtralité de ma pratique se situe très exactement dans la rencontre entre chacun de ces deux actes que sont jongler et marcher. C’est ici pour moi le point zéro, où tout commence puisque j’explore ainsi l’espace dans ces deux dimensions, horizontale et verticale, sacrée et sociale.
Mon travail ne délivre aucun message, le sens de l’œuvre c’est le spectateur qui le possède.
Je m’affilie en cela totalement au courant de l’art créé pour ne rien dire, courant initié entre autres par des figures historiques telles que Dada, de Stijl, le Bauhaus et les Russes.
Ce minimalisme sensible trouve son origine dans l’observation d’un large spectre de phénomènes naturels, mécaniques, numériques et sociétaux.
Il faut croire au fait que le spectateur est capable de faire son propre chemin et de créer sa propre pensée. Il faut lui donner la place et se retirer en tant qu’artiste. Le plateau définitif est le cerveau du spectateur. L’abandonner est le seul vrai cadeau qu’on puisse lui faire. Toute l’histoire de l’art tourne autour de cet abandon.
Il y a quelque chose de perdu.
Chaque spectacle est un objet qu’on lance le plus loin possible. Quand on lance, on éloigne le risque de manipulation. La manipulation, c’est de la communication. Le cirque et l’art en général ne communiquent rien du tout. Il n’y a pas de message, il n’y a pas de bonne nouvelle. La publicité a le devoir de construire le désir, la religion a parfois le devoir de construire la peur, l’art n’a aucun devoir. Il s’agit de réveiller notre capacité à regarder à nouveau, de réveiller le regard.
Le cirque, le théâtre, l’art sont des interrupteurs qui cassent la communication et allument le fait d’être vivant. « Regardez, écoutez, c’est nouveau »
C’est pour ça que je respecte la solitude, la capacité de chaque spectateur de regarder, d’être par conséquent responsable de son propre regard.
Le temps est notre matière, notre plastique. C’est intéressant d’en élargir la fibre pour voir si quelque chose peut passer au travers. Savoir jouer avec l’ennui.
Exposer les spectateurs sur la longueur à des gestes, des paroles, des sons, des visages, c’est une manière de jouer avec leurs sensations. Je ne crois pas en une forme d’art cultivé. Il y a plusieurs niveaux, et le premier avec lequel il faut jouer, est élémentaire, mammifère : c’est la sensation d’avoir un corps chaud. Il faut partir de là. Après seulement il y a la pensée.
Un théâtre par l’abstraction.
Toutes séquences abstraites qui rythment un spectacle sont des surfaces qui reflètent les visages, les corps, l’histoire, les ventres, la mémoire, les cicatrices du spectateur. Elles ne sont pas codées, encore à coder ou à décoder. Elles ne sont jamais expliquées et jamais illustratives. C’est encore une façon de faire entrer le spectateur dans le spectacle. C’est peut-être un piège, mais c’est un appel, un appel avec ton nom parce que tu as l’impression que quelque chose te regarde.
Une scène abstraite n’est pas une structure logique. Pourtant c’est toujours dans le domaine de la pensée, dans la mémoire génétique, quelque chose qui appartient à l’espèce humaine.
Le cirque d’art advient par sa capacité à convoquer le théâtre et l’abstraction. Chacune des « pratiques » de cirque contient une théâtralité du sacré et nous devons abandonner la notion d’exploit parce qu’elle n’est que la pauvreté de notre ego. Nous devons chercher à atteindre l’abstraction de nos pratiques respectives. C’est le seul chemin vers l’émancipation.
J’appréhende mon travail de jongleur dans le courant historique de l’art abstrait et de l’art cinétique : une esthétique où prime le « less is more », un mouvement progressiste.
J’adosse ma recherche à la construction de systèmes simples, évidents et de préférence absurdes.
L’ensemble de ce travail s’appuie sur des systèmes basés sur un univers mathématique simple.
Ces systèmes sont composés et prennent forme par des motifs gestuels et rythmiques.
Jongler (par extension = déplacer des objets en organisant leur déplacement dans l’espace), activité savante inscrite dans la dimension verticale.
Marcher (par extension = se déplacer), activité naturelle inscrite dans la dimension horizontale. Jongler et marcher fondent le mouvement des motifs gestuels et rythmiques que je m’attache à créer et chorégraphier. Simples et archaïques, ces motifs fonctionnent indépendamment ou ensemble et marquent l’espace de façon linéaire ou fractionnée.
L’association de ces deux activités dans leur dimension respective constitue la forme physique de ma pratique que je considère comme une architecture éphémère.
Je m’intéresse aux rapports entre les lignes qui se tracent dans l’espace par l’exécution des motifs, cherchant ainsi à travers l’écriture à construire l’espace de façon à faire de l’homme la matière première des architectures à considérer. Je suis intrigué par la modification des motifs selon si je les inscris dans un espace où le déplacement suit soit des lignes soit des courbes.
Les rapports de neutralité à l’espace sont essentiels dans ma démarche.
J’inscris toujours ma pratique et par conséquent les motifs dans un cercle ou dans un carré, deux figures géométriquement neutres.
Alors que je m’inscris à contre-courant du triste dogme de la surenchère technique du cirque, j’écris le jonglage avec un vocabulaire aussi simple que possible, souhaitant faire renaître l’acte initial et sacré du jonglage à travers la seule pratique de ces fondements ancestraux. C’est ici le point de départ de mon intention de travailler au seul phénomène de l’apparition.
Faire apparaître le jonglage, son acte et non sa démonstration, dans son plus simple appareil.
Pour cela, trois règles fondamentales et récurrentes composent tous les motifs :
-le jongleur opère uniquement avec des balles (cercle) ou un bâton (ligne droite), symbole le plus neutre possible géométriquement
-le jongleur n’échange pas ses balles, les balles devenant ainsi un réel prolongement du corps
-le jongleur ne possède pas plus de trois balles, « parce que plus de trois c’est vulgaire »
Si dans ma pratique je recherche à modérer ma subjectivité, lors de l’acte créatif je m’attache à transcender ce que je suis. De mon point de vue, la seule performance pouvant encore porter du sens au sein d’un cercle, c’est l’abandon de soi-même. Pour cela, j’aime concevoir avant tout l’espace dans lequel se déroule cet abandon, construire l’image, et ensuite trouver la transcendance qui incarnera l’image. Mettre en scène son corps érodé par la pratique.
Time to tell – Le film from L’unijambiste on Vimeo.